Gil Heitor Cortesão
The remote viewer
La galerie Suzanne Tarasiève Paris est heureuse d’annoncer la première exposition personnelle de l’artiste portugais Gil Heitor Cortesão.
Gil Heitor Cortesão peint des lieux généralement vides (appartements privés, ou lieux publics) qui, quoique réalistes à première vue, suscitent un vague sentiment de malaise.
L’étrangeté vient tout d’abord du fait qu’à chaque fois se glisse dans ces lieux un élément qui sème le trouble: un meuble qu’on aura peine à identifier, des tableaux qui semblent se décrocher de leur mur, une vaste surface sombre au milieu de la salle de réunion d’une assemblée générale, une carte d’Europe esquissée sur le mur d’un appartement moderniste.
Cette étrangeté est accrue par l’apparence perturbante de l’image, semblable à une photographie qui aurait été usée.
Ce dernier effet est dû à l’emploi d’une plaque de plexiglas, au revers de laquelle l’artiste pose la peinture. Cette plaque assure le rendu lisse de l’œuvre, tandis que la peinture, par derrière, se charge de l’aspect non finito de l’image.
Ce n’est pas tout. Il faut aussi constater que l’artiste exécute son geste avec une extrême minutie, comme s’il cherchait à reproduire point par point les photographies qui lui servent de source de travail. Mais cette précision ne parvient pas à rassurer le spectateur. Des plaques de rouille, des reflets, des taches, dont la présence est incompréhensible, rendent ces espaces fantomatiques, comme s’ils avaient perdu leur usage et leur identité, et comme si, sans explication, ils reculaient dans le temps.
Les couleurs elles-mêmes cèdent à l’effet d’usure, délavées, pâlies au soleil. On pourrait penser aussi que les images ont été artificiellement colorisées, dans l’intention de faire croire à l’actualité de ce qu’elles montrent — et qui, en réalité, ne résiste pas à la disparition.
Ainsi, finalement, reçoit-on une double impression. Celle, d’abord, d’avoir affaire à des lieux insituables dans le temps, des lieux flottants et, comme dans certains rêves, empreints de nostalgie et de mystère.
Mais on peut aussi se dire que ces images érodées sont une réponse aux médias, comme si elles résultaient d’une déperdition de ce que les représentations médiatiques offrent de dramatique, d’attirant et de spectaculaire. Elle laissent ainsi libre champ à la peinture elle-même et aux fissures que celle-ci ouvre dans le réel.
critique
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