L’exposition «Déconstruction photographique» réunit à Topographie de l’art onze artistes autour de la notion de fragmentation de la photographie. Les œuvres, qu’elles soient photomontages, photographies ou installations, sont guidées par cette interrogation : l’image photographique, fixe et unique, se suffit-elle à elle-même aujourd’hui ?
La photographie est une mise en scène du réel
L’histoire de la photographie est parvenue à une remise en question de la valeur de l’image photographique en tant que représentation du réel. Celui-ci est devenu une simple composante de la dimension photographique qui l’exploite plus qu’il ne le restitue. Par sa nature même, la photographie possède une réalité propre, qui est constituée par le mécanisme dont elle résulte : une boîte, la chimie des sels d’argent, les pixels dans le cas du numérique… Mais surtout, au-delà de cette matérialité, elle n’est que reformulation d’un réel qu’elle met en scène.
Par la déconstruction de l’image, les œuvres de Pol Bury, Joan Fontcuberta, Alain Fleischer ou encore Catherine Rebois mettent en perspective ce questionnement autour de la photographie. L’œuvre Golden Gate de Pol Bury est un cliché en noir et blanc du Pont du Golden Gate en Californie qui a été découpé en lamelles horizontales. Recollées de façon systématiquement décalée, ces lamelles offrent finalement la vision d’un pont déformé, tremblant, comme prêt à s’effondrer. La pièce EgoTour de Julien Lombardi est composée d’une succession de plaques de verre accrochées au mur, sur lesquelles est imprimée, de façon de plus en plus estompée, la photographie d’une pyramide. Le dispositif procure une impression de volume et de perspective en même temps que d’illusion, telle un mirage.
La déconstruction photographique ouvre l’exploration de notre perception
Fragmentées, soumises à des retournements, les images ouvrent ici la voie à un retour aux origines. La nature de la photographie n’est plus acquise, de nouveaux enjeux apparaissent, multipliés et isolés par la déconstruction. L’œuvre intitulée Googlegramme: Homeless de Joan Fontcuberta est constituée de dix mille images miniatures glanées sur Internet et minutieusement assemblée pour former le portrait d’un SDF. Mise en abîme de l’image, combinaison de plusieurs images pour en former une nouvelle. Notre perception est dérangée par ce procédé qui va à l’encontre de notre vision naturelle d’images uniques. Un dialogue se crée entre les deux niveaux de l’image et nous convie à explorer notre rapport perceptif au monde.