Julie Navarro
Déclaration
Julie Navarro livre un monde à bascule, entre tendresse, temps de suspension et temps d’interrogation. Personnages et paysages deviennent les complices d’une vie qu’elle interprète dans la mémoire du sol, dans la mémoire du sang. L’artiste nous ouvre le recueil d’une vie qu’elle partage avec humour, impétuosité et jubilation. Ces énergies font de son Å“uvre une présence essentielle. Avec autant de déraisons que d’intimité, elle visite différents supports dans cet amour déclaré de la dérision et joie des découvertes. De la broderie à la vidéo en passant par les collages, elle transforme le monde qui l’entoure. «Je poétise mon environnement entre élans picturaux et interventions variées, irrésistibles farces et nécessités».
Tout en poursuivant ses pratiques pluridisciplinaires, l’artiste retrouve le pinceau dans un geste qui arrive à maturité. Car c’est la peinture qui est avant tout l’hôte de cette accession fondamentale à la liberté. Le geste et la couleur ouvrent l’espace et racontent le mystère d‘une émancipation par la puissance de l’imaginaire. Il semble que les toiles de Julie Navarro chantent, hurlent, ou susurrent «et étrange murmure ou mélopée de la profondeur que prodigue l’espace» dont parle Henri Michaux.
On y rencontre une sensation intime où quelque chose nous rappelle que nous sommes mortels et quelque chose nous le fait oublier. Dans l’étreinte de ses jeux d’abstractions, Julie Navarro révèle que peindre est un verbe actif d’où la présence peut surgir. «Les accidents s’opèrent au commencement de la toile où l’espace se compose et se décompose par des interventions d’effacement, grattage, coups de brosse, jusqu’au premier équilibre qui s’impose. L’évidence du langage invisible se dévoile peu à peu. Puis, les formes équivoques encore flottantes m’invitent au dialogue avec le sujet embryonnaire. La conversation se dérobe, c’est le temps de pause qui se prolonge aux moyens de glacis, ultimes grattages, cernes au pastel pour donner chair au sujet jusqu’à ce que l’objet s’affirme, autonome, comme étranger à mes gestes.»
Avec cette exposition, l’artiste affirme son engagement poétique et son geste pictural. Elle propose un ensemble de peintures qui ouvre une période nouvelle. L’utilisation de l’acrylique libère l’espace d’un attachement littéraire et ouvre à des expériences sensorielles où le «poids des couleurs» et la tension entre forces contradictoires composent la toile d’un geste rapide.
Certaines dégagent une puissance lumineuse particulière, provoquée notamment par des interventions à la bombe aérosol qui, associées aux amalgames de teintes à l ‘huile, matérialisent une densité improbable. D’autres fixent un équilibre à la frontière du solide dans une alliance du fragile et du certain, de la densité et de la transparence, du compréhensible et de l’évanescence.
A l’instar de ses broderies, Julie Navarro travaille la finesse du dessin dans un temps suspendu. Cette relation intime entre équilibre et fragilité est présente dans tous ses travaux, et trouve une vraie puissance avec ses encres ou aquarelles, qui dans un geste de poésie minimaliste, semblent épouser la quintessence du vide.