ART | EXPO

Décade. Portrait d’une génération

12 Sep - 17 Oct 2015
Vernissage le 12 Sep 2015

Cette exposition revient sur les dix dernières années du parcours de l’artiste JR et présente son travail vidéo, ses encres sur bois et sa production photographique récente. Dans la galerie parisienne, elle occupe simultanément le premier niveau de l'espace de la rue de Turenne et l’impasse Saint-Claude.

JR
Décade. Portrait d’une génération

Cette exposition est l’occasion de revenir sur les dix dernières années du parcours de l’artiste JR, en présentant au visiteur son travail vidéo, ses encres sur bois et sa production photographique récente.

Le parcours débute par une installation immersive qui nous projette au cœur de la cité des Bosquets, à Clichy-Montfermeil. Cette œuvre confronte, pour mieux les relier, les différents thèmes que l’artiste a associés depuis dix ans.

Par un procédé de réflexion au sol, des projections présentent un dialogue infini entre les habitants de la cité, l’évocation des émeutes urbaines de 2005 et la destruction des immeubles d’habitation comme réponse politique qui s’ensuivit. La danse filmée offre un lien à la fois académique et temporel. Elle rassemble symboliquement les différentes étapes de travail de JR sur le territoire de Clichy-Montfermeil durant cette décennie.

Présentées en boucle, ces vidéos diffractées dans l’espace de la galerie ne sont pas sans rappeler la difficulté à décrire l’espace formel et temporel des événements sociaux et politiques qui ont ébranlé la France entière à l’automne 2005.

Clichy-Montfermeil, c’est le lieu d’où sont parties, selon le politologue Gilles Képel, «les plus grandes émeutes de l’Histoire de la France contemporaine». Le 27 octobre 2005, le drame de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré électrocutés alors qu’ils tentaient de fuir un contrôle de police marque le départ d’un embrasement social et d’un emballement médiatique international sans précédent.

Un an auparavant, c’est sur ce territoire que JR a débuté sans le savoir encore, son projet «Portrait d’une Génération». Avec son ami et réalisateur Ladj Ly, habitant des Bosquets, il photographie dans leur quotidien les jeunes habitants du quartier avant de coller les images sur leurs immeubles, sans aucune autorisation et pour la première fois de son parcours en très grand format.

Parmi celles-ci figure le portrait de Ladj Ly entouré de jeunes garçons de la cité, pointant sa caméra comme une arme vers l’objectif de JR. Lorsque les émeutes démarrent un an plus tard, ces affiches restées sur les murs sont subitement exposées aux médias du monde entier. Les journalistes s’emploient à les utiliser comme illustration de l’actualité, miroir ironique de la violence de ces jeunes face à celle des propos médiatiques et politiques.

Ils se tournent vers JR pour utiliser ses clichés. L’artiste refuse, il n’est pas plus photo-reporter que porte-parole de la cité des Bosquets. Cette situation le pousse à définir sa démarche formelle, celle qui préfigure le projet 28 Millimètres dans son ensemble («Face2Face-2007», «Women Are Heroes–2008/2010»), puis plus tard «Wrinkles of the City» (2008/2015).

Il retourne sur les lieux en 2006 muni de son appareil photo, sur lequel il fixe un objectif de 28 mm pour photographier au plus près et dans les moindres détails les visages des jeunes de la cité. JR colle ensuite ces portraits déformés par les grimaces dans le centre de Paris, accompagnés de leur nom, prénom et adresse précise. Qui veut se rendre à Clichy-Montfermeil peut aller sonner à leur porte. JR prend ainsi à contre-pied la mise à distance par l’image qu’utilisaient les médias pour traiter l’événement un an auparavant.

C’est par la pratique de la vidéo que ces portraits refont surface, lorsque le PRU (Projet national de Rénovation Urbaine) inclut en 2012 la destruction de deux barres d’immeubles de la cité des Bosquets. Conscient qu’une partie de la mémoire des lieux va disparaître, JR choisit d’en capter les derniers instants en ayant préalablement collé une vingtaine des portraits de 2006 sur les cloisons intérieures des appartements: portraits d’une génération que l’on voit s’effondrer à l’écran, au fur et à mesure que l’immeuble est grignoté, voué à disparaître.

En 2014, alors qu’il est invité à réaliser un travail plastique pour le New York City Ballet (NYCB) dont une partie est visible dans les espaces de la rue de Turenne de la Galerie Perrotin, JR convainc Peter Martins, le directeur du David Koch Theater, de monter une chorégraphie autour de l’histoire des Bosquets et des émeutes de 2005.

Une décade après avoir fait ses premiers pas à la cité des Bosquets, il met en scène avec le NYCB l’histoire de son ami Ladj Ly et de sa rencontre avec une jeune journaliste lors des émeutes. Il fait appel à Lil’ Buck, jeune danseur connu pour sa pratique du jookin qui incarnera le jeune Ladj Ly, pour créer un duo avec la danseuse classique Lauren Lovette, qui interprètera la journaliste. La première du ballet Les Bosquets est donnée en avril 2014 avec 42 danseurs du corps de ballet du NYCB.

Cela fera bientôt dix ans que les banlieues parisiennes se sont embrasées. JR se rend compte que cette forme dansée nouvelle pour lui et sensiblement évocatrice de l‘histoire d’un quartier peut constituer le lien visuel nécessaire au travail documentaire qu’il vient d’entreprendre sur ces dix années passées depuis qu’il a collé l’image de Ladj Ly sur son immeuble des Bosquets.

Plutôt que le documentaire initial, c’est une fiction inspirée du réel qui est montrée, sur une musique originale de Hans Zimmer, Woodkid, Pharrell Williams et Ben Wallfish. Reprise par les danseurs de l’Opéra National de Paris sur les lieux des affrontements de 2005, la chorégraphie créée pour le NYCB devient l’élément central du film Les Bosquets. Ce film sera présenté en boucle dans l’espace Saint-Claude de la Galerie Perrotin à partir du 12 septembre, pendant toute la durée de l’exposition.

Les danseurs du NYCB traversent également l’œuvre photographique de JR ainsi que les encres sur bois de petits et très grands formats visibles dans l’exposition. Le corps du ballet de l’Opéra National de Paris pose avec délicatesse dans des containers en partance du port du Havre ou encore sur le toit de l’Opéra Garnier.

Dix ans après les émeutes qui ont secoué la France au point que le gouvernement déclare l’état d’urgence, l’exposition «Décade, Portrait d’une génération» témoigne de la capacité de JR à déplacer le champ des possibles. Cette démarche constitue depuis 10 ans le socle formel et esthétique de son œuvre. Elle n’est pas sans rappeler certains principes situationnistes, dans le sens où elle s’affranchit des frontières établies pour produire des images ancrées dans la réalité, qui rapprochent l’art de la vie.

Anaïd Demir

Vernissage
Samedi 12 septembre 2015 à 16h

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