Revue Cassandre
Enjeux et éthique de l’intervention artistique en prison
— État des lieux
Dès ses débuts, la revue Cassandre s’était penchée sur les enjeux de l’intervention artistique en prison. Comment, dans ce point névralgique de notre société, le geste artistique retrouve-t-il ce qui fait son sens, le sens d’une relation? Comment y aborder une pratique artistique sans tomber dans l’alibi occupationnel?
Aujourd’hui, la surpopulation carcérale et les tensions qu’elle engendre restreignent les possibilités d’action artistique en prison et les renvoient le plus souvent à un souci de «pacification».
Nombre de questions se posent sur le sens et l’éthique de ces interventions. Comment développer un projet artistique ambitieux face à la lourdeur des contraintes de temps et de budget? Comment valoriser la parole et le geste des détenus sans se confiner à un travail d’expression des souffrances? Comment faire circuler ces expériences, les montrer, sans tomber dans le voyeurisme?
— Temps, espace, parole
Plutôt que de dresser un état des lieux des pratiques artistiques en prison, nous avons souhaité entrer dans le détail de ces pratiques, avec des approches sensibles sur ce qui fait le quotidien de la prison : le temps subi, l’espace confiné, la nécessité d’une parole.
Approche sensible qui constitue la matière même d’un travail en profondeur des artistes avec les personnes incarcérées: la danse, le théâtre, l’écriture, la vidéo, la musique ne peuvent trouver leur sens qu’en prenant en compte les contraintes spatiales et temporelles de l’univers carcéral. Retrouver une expression du corps enfermé à travers le mouvement, restituer l’image d’un extérieur quand son paysage est circonscrit à la cellule et à la promenade.
C’est précisément à ces nécessités profondes que répond le travail des artistes engagés sur le terrain carcéral. Loin de l’occupationnel, c’est à travers ce partage du sensible que s’opère un véritable travail de réinsertion comme en témoignent plusieurs détenus engagés dans ces pratiques. C’est de là aussi que peut naître un malentendu, entre l’artiste fasciné par la prison comme lieu d’une relation nécessairement intense, et le quotidien des détenus hors de l’atelier.
Au cours de ces deux jours, nous avons pris le parti de confronter, autour de films, de projections et de lectures retraçant des expériences d’ateliers, la parole des artistes à celles d’anciens détenus, et d’acteurs du milieu pénitentiaire.
Programme
— Samedi 4 mars
> 14h30: Accueil
Nicolas Roméas et Valérie de Saint-Do (Cassandre/Horschamp)
> 14h45: Temps vécu, temps subi en prison?
Projection de films d’atelier par les Yeux de l’ouï;e.
La réalisatrice Anne Toussaint mène des ateliers vidéos depuis plusieurs années à la prison de la Santé. Une installation vidéo récente exposée à Anis Gras présente à la fois les films écrits par les détenus et des témoignages sur la conception et la réalisation de ces films. Une vidéo d’atelier montre la préoccupation d’un des détenus sur le manque de prise sur le temps et son interrogation sur la traduction en image de cette obsession.
Débat avec Anne Toussaint (réalisatrice), Saï;d André Remli (Directeur du CARD, Comité d’action pour la réinsertion des détenus), Guy Dardel (Directeur de Fréquence Paris Pluriel).
> 17h: Le corps entre les murs
Comment appréhender un travail sur le corps et le geste dans le lieu du confinement et de l’enfermement?
Projection du film Intra-muros Mouvements, réalisé par François Royet, sur le travail de Franck Esnée, chorégraphe, à la prison de Besançon.
> 17h30-19h: Débat
Avec Franck Esnée (chorégraphe), Jean-Pierre Chrétien-Goni (metteur en scène), Christian Jehanin (metteur en scène et directeur de l’École Départementale de Théâtre), Gérard Lorcy (metteur en scène), Jacques Michel (Théâtre du Fil).
> 20h30: Ailleurs et autrement
Projection des films de Iannosh Morowski, réalisateur polonais, et des photographies de Sluban Klavdij, qui a travaillé dans les prisons russes et de l’ex-Yougoslavie.
— Dimanche 5 mars
> 15h: Paroles et écrits
Comment, à travers la parole et l’écriture, dépasser l’expression de la colère pour un travail de reconstruction?
Lectures d’extraits d’«Un Abri-livre», par Philippe Ripoll et les co-auteurs.
Débat avec Philippe Ripoll (auteur), Gustave Akakpo (auteur), Pepito Matéo (conteur), Patrick Facchinetti (Fédération française pour la collaboration des bibliothèques, des métiers du livre et de la documentation).
> 17h: Images et écrans
Projection du diaporama extrait du film de Marie-Hélène Fabra (plasticienne).
> Avec le soutien du ministère de la Culture – (DDAI, DRAC Ile-de-France), de la Région Ile-de-France, de la Ville de Paris.
Infos pratiques
T. 01 40 35 00 98
Entrée libre