Camille Blatrix, Barbara Bloom, Christian Boltanski, Simon Dybbroe Moller, Jean-Pascal Flavien, Judith Hopf, Karl Larsson, Shelly Nadashi, Anouchka Oler, Stuart Sherman, James Welling
De toi à la surface
L’accessoiriste place sur le plateau des objets essentiels à l’histoire qui va s’y dérouler, mais doit-on nécessairement la raconter? Les éléments du décor sont là pour composer un environnement et créer les conditions d’une action, ceci même sans la présence des acteurs. Une scène et une narration se mettent en place à partir d’éléments placés les uns après les autres, les uns sur les autres, les uns derrière les autres. On les décrypte comme les éléments d’une histoire teintée de leur utilisation (Jean-Pascal Flavien), comme une syntaxe langagière (Karl Larsson), comme un tour de magie (Stuart Sherman). Quoi qu’il en soit, les frontières entre ces catégories sont poreuses, dès lors que les accessoires prennent la place des acteurs.
La scène sur laquelle ils se produisent (Barbara Bloom), ou les effets qui entourent leur apparition (James Welling) peuvent aussi leur donner littéralement un rôle à jouer et une histoire à raconter. La compréhension de cette histoire dépend de notre capacité à interpréter les accessoires comme on le ferait de pièces à conviction ou de collections.
On pourrait nommer cela «l’esprit de l’étagère»: contrairement à celui de l’escalier, on ne retrouve pas une idée trop tard, on découvre un trait de caractère dans des objets qui en sont pourtant physiquement dépourvus. Qui sait les voir reconnaîtra le portrait de leur propriétaire (Christian Boltanski) ou les désirs contradictoires qui hantent ces choses banales (Simon Dybbroe Moller).
En somme, ces suppléments d’âme qu’on accorde aux objets sont les nôtres. Nous y investissons nos intuitions et nos affects. Parfois au point que sujets et objets semblent indissociables (Judith Hopf) ou incompréhensibles l’un sans l’autre (Shelly Nadashi). Il arrive même que l’on constate qu’ils ont pris une sorte d’autonomie, qu’ils ont une existence qui leur est propre (Camille Blatrix) ou sont mûs par des sentiments (Anouchka Oler).
Nous sommes donc habitués à ce que les objets remplissent d’autres fonctions que celles pour lesquelles ils ont été fabriqués. C’est ce constat qui réunit les artistes de cette exposition. Tous présentent des objets reconnaissables en tant que tels et évoquant aussi une narration ou des sentiments.
Ce «et», ce chevauchement, est important. C’est là que s’invente une relation toute singulière, où nos affects fournissent aux objets leur puissance d’évocation. On peut voir ces œuvres comme autant de moments où, de façon aussi irrationnelle qu’inattendue, nos sentiments s’accordent avec notre environnement.
François Aubart, commissaire de l’exposition