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De concert

06 Mai - 20 Juin 2015
Vernissage le 06 Mai 2015

Petites fables se succédant les unes aux autres, les photographies de Benjamin Mouly dégagent un sentiment d’incongru. Sa pratique préfère à l’illustration un jeu d’écarts où le chevauchement participe à une circulation libre, essaimant des boutures d’images greffées entre elles. C’est dans ce glissement qu’il construit ses installations.

Benjamin Mouly
De concert

Un rien d‘intime semble s’être soustrait à l’harmonique livré par chacune des images composées par Benjamin Mouly. Isolément, individuellement, elles profitent des interstices qu’elles font apparaître entre elles pour opérer en fragments dans une sorte de rémanence. Depuis elles, la partition indifféremment jouée en couleur ou en noir et blanc figure deux gammes qui ne cessent de s’alimenter sans se toucher.

Passant de natures mortes en silhouettes anonymes, ce n’est plus la lisière des corps, ni du cadre qui est attendue mais bien ce qui est venu se loger, s’immiscer «entre». Le hors champ n’a plus d’utilité ici puisque le détail suffit à plonger dans une mer d’oscillations abstraites ou dans la plissure d’un membre. Tout est contenu vers l’intérieur: un monde «d’intensités» et de «matières» surgissant fortuitement.

Petites fables se succédant les unes aux autres, les photographies de Benjamin Mouly abritent des circonstances où l’incongru et l’inquiétant ont recouvert le visage du double. Telles des apparitions, ces figures fondues dans la nuit ou suspendues au temps semblent tout droit sorties de films noirs, où la lumière surprend les corps réfugiés en eux-mêmes, pris en flagrant délit de banalité. Un drame mineur, rejoué chaque fois, poursuit ces images, d’un récit qui ne se finirait jamais.

Dans ces décors naturels aux éblouissements presque aveuglants, les corps se dégagent d’une chorégraphie qui les aurait forcée à se définir. Tantôt informes, repliés ou voûtés, ils ne se performent que pour mieux s’éloigner de leurs états: «voir comment un corps se tend, la matière de ses attitudes et la façon dont il se glisse dans ce qui l’entoure».

En face, les objets observent des silences. Le vertical est sans doute ce lien contigu qui permet de traverser les photographies toutes à la fois, et séparément. Car la pratique de Benjamin Mouly préfère à l’illustration un jeu d’écarts où le chevauchement participe à une circulation libre, essaimant des boutures d’images greffées entre elles. Aussi, c’est dans ce glissement qu’il construit ses installations.

Le dispositif photographique n’est plus uniquement voué au format tirage mais bien, invariablement, du mur au livre, à la recherche d’un aplanissement des angles. Que ce soit en photographie à travers une tentative de prolonger l’image au delà de son cadre, ou par le biais de la vidéo en la faisant percuter, dans une bataille réflexive infinie, les surfaces réfléchissantes provoquées par des miroirs disposés à la verticale, c’est bien la répétition de sa quintessence que l’artiste tend à éprouver. Verres, motifs, robes, jambes, fruits, fleurs, toutes pourtant, semblent implorer une énigme propre, et au moins autant, en appeler à résister au sens.

Fanny Lambert

Benjamin Mouly est né 1987. Il vit et travaille en France.

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