David Shrigley
Pour sa nouvelle exposition à la galerie Yvon Lambert, David Shrigley présentera du 11 décembre 2004 au 29 janvier 2005 un large ensemble de nouveaux dessins, de photographies noir et blanc, ainsi qu’une sculpture en bronze.
«David Shrigley songe un moment à se destiner à la profession de dessinateur humoristique après ses études à la Glasgow School of Art de 1988 à 1991, mais ses premiers recueils publiés, il change de cap ; sans perdre son humour ni renoncer au dessin. L’humour est en effet un ingrédient majeur de son travail, et le dessin reste son mode d’expression le plus spontané. Si donc il intervient, l’année 2000, dans l’édition du dimanche du quotidien The Independent, c’est alors plus en artiste invité qu’en satiriste aguerri. À cette tribune, l’artiste porte le regard singulier d’un amateur sur le monde. Le caricaturiste, lui, agit en journaliste et souvent en éditorialiste. Il a des comptes à rendre sur l’actualité du monde, là où l’artiste n’a de compte à rendre que sur sa propre actualité.
David Shrigley n’est pas seulement un dessinateur humoristique. La confession est son ton privilégié et, comme elle ne peut être exempte de connotations religieuses, elle a souvent rapport avec la faute, le crime, le sentiment de culpabilité, l’envie, l’injustice, l’échec, la mort, etc. David Shrigley adopte la confession comme un genre littéraire susceptible de tout absorber.
David Shrigley diversifie sa production. Chroniqueur acerbe de la vie moderne, il l’est surtout dans ses dessins — lesquels parfois peuvent se présenter sous la forme de page de textes manuscrits — où, entre fausses confessions, vraies observations et questionnaires maniaques, il laisse plus particulièrement libre cours à son humour noir.
Ses photographies, qui s’accompagnent de textes dans la plupart des cas, sont produites plus parcimonieusement : moins intimes, plus distanciées peut-être, plus couramment portées à interroger l’espace public. Ses sculptures, n’atteignant presque jamais de grandes dimensions, se donnent en général comme des objets quotidiens transformés, soumis à un traitement très proche de la bande dessinée.
Ses livres constituent le recueil de ses pensées. Les quatre modes d’expression ou supports réunis se répondent et s’appuient, et permettent à l’artiste d’étendre indéfiniment le champ de ses observations et de ses préoccupations».
Extraits du texte de Frédéric Paul, David Shrigley, catalogue monographique édité à l’occasion de l’exposition personnelle de David Shrigley du 22 juin au 8 septembre 2002 au Domaine de Kerguéhennec, Centre d’art contemporain, Bignan.
Pavel Braila
: «33 Revolutions Per Minute»
Pour sa première exposition à la galerie Yvon Lambert, Pavel Braila présentera :
— Shoes for Europe, 2002
— Recalling Events, 2001
— 33 Revolutions Per Minute or Music on Bones, 2001. Installation
Shoes for Europe, 2002 :
Dans la petite gare de Ungheni, à la frontière entre la Moldavie et la Roumanie, un processus lent et laborieux s’opère à chaque fois qu’un train occidental arrive en gare. Les roues de chaque train doivent être changées afin de correspondre aux normes de roues d’Europe de l’Est, 85 mm plus large qu’à l’Ouest. Ce processus dure trois heures pendant lesquelles les passagers passent par les douanes et le contrôle des passeports. Pour Pavel Braila, cette transition représente une métaphore évidente des différences inaltérables entre Est et Ouest, du laborieux processus de conversion et de traduction. Cette vidéo, montrée pour la première fois à la Documenta 11 (2002), tournée en temps réel et illégalement, démontre à quel point le processus de compréhension et d’acceptation réciproque peut-être long et compliqué.
Recalling Events, 2001 :
Cette performance a eu lieu à Jan Van Eyck Academie à Maastricht devant un public. L’artiste allongé sur un grand tableau noir, lui-même vêtu de noir, écrit à la craie des dates et des phrases de son passé qui lui viennent à l’esprit… et qu’il efface au fur et à mesure. Ses souvenirs fugaces disparaissent aussitôt après lui avoir traversés l’esprit. L’habit de l’artiste, instrument de la disparition des souvenirs, est au final abandonné sur le tableau noir laissant derrière lui toute mémoire du passé.
33 Revolutions Per Minute or Music on Bonnes, 2001 :
Tous les rêves d’occident de la jeunesse soviétique symbolisés par des objets de cette culture convoitée: blue jeans, tee-shirts à l’effigie de stars de la pop ou arborant le nom de marques, musique de la jeunesse soviétique sont présents dans cette installation . Ces rêves ont conduit cette jeunesse à réaliser des contre-façons à défaut de pouvoir posséder et acheter les vrais objets de consommation.
Shahryar Nashat
Après deux années de résidence à la Rijksakademie d’Amsterdam et un an passé à l’Institut suisse de Rome, Shahryar Nashat montrera son travail pour la première fois au Studio et au Project Room de la galerie Yvon Lambert.
Œuvres présentées :
Le Studio : Optimism, 2003. Vidéo. 10’40.
Project Room : If This Is A Man, 2004. Installation 16 mm.
Dès ses premières vidéos, Shahryar Nashat s’est principalement intéressé au concept de liberté et de répression, non seulement d’un point de vue humain, mais également politique, religieux et psychologique. Dans sa vidéo Les Négateurs (2003. Film vidéo, 5’40’), l’artiste suisse aborde sa relation avec la culture de son pays d’origine, l’Iran. Avec la mer en arrière plan, un homme cherche à répéter en rythme des versets du Coran qu’une voix off lui assène sans interruption jusqu’à épuisement. Le rapport entre l’endoctrinement et le libre arbitre sont au cœur du sujet dans Les Négateurs.
Dans Optimism, le rapport entre l’environnement architectural et comportement humain constitue une thématique importante qui se prête bien à des réflexions ultérieures de caractère social et politique. L’architecture du Palazzo Della Civiltà dans le quartier de l’EUR de Rome dans lequel le film a été tourné, amplifie et souligne la monumentalité de l’idéal fasciste de soumission et de crainte envers le pouvoir.
La vidéo semble commencer au milieu d’une histoire déjà en cours. Une pièce quasi vide, symbole de l’exercice du pouvoir et de la répression, quelques personnages figés à leur place attendent que le spectacle commence. Une voix autoritaire ouvre le dialogue. Assis devant ce personnage sans visage, symbole du pouvoir, se trouve un employé qui fait une déposition. Le langage conventionnel, la rigidité du jeu des personnages et la musique militaire en arrière plan rendent la scène quasi-grotesque. Le complot qu’essaie vainement de divulguer le personnage principal rend la scène surréelle et caricaturale.
L’installation If this is a Man (2004) présentée au Project Room se réfère au dernier livre écrit par Primo Levi: Les Naufragés et les rescapés. Levi, lui-même survivant de l’Holocauste, y émet la théorie que les vrais témoins d’une telle tragédie ne sont pas ceux qui y ont survécu mais ceux qui y ont péri.
En 1987, le suicide présumé de l’auteur justifierait dans une certaine mesure son témoignage sur cette période de l’Histoire.
Shahryar Nashat se sert du titre en anglais du livre de Primo Levi, The Drowned and the Saved, comme élément central de l’installation. L’image miroir du titre est projetée en 16 mm sur le mur et ne se déchiffre qu’à travers la réflexion de la projection sur le sol. Par une manipulation visuelle, l’oeuvre distancie dans un premier temps le spectateur du texte et du langage pour, dans un deuxième temps, requérir toute son attention sur l’écho que peut avoir l’association de ces deux mots.
critique
Pavel Braila & David Shrigley