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David Shrigley

Des dessins plutôt absurdes, malhabiles, qui forcent à la distanciation. Une attitude artistique intuitive, où tout a priori et préjugé sont écartés, et dont la désuétude, à force d’évidence, mène à l’ironie. Une œuvre pleine d’humour que ce livre permet d’apprécier à sa juste valeur.

— Éditeur : Domaine de Kerguéhennec, Bignan
— Année : 2002
— Format : 24 x 17,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 135
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-906574-02-3
— Prix : 27,50 €

Lire l’article sur l’exposition de l’artiste à la galerie Yvon Lambert (déc. 2001-janv. 2002)

David Shrigley, vandale et moraliste — sur les dix doigts de la main gauche
par Frédéric Paul (extrait, pp. 5-6)

David Shrigley songe un moment à se destiner à la profession de dessinateur humoristique après ses études à la Glasgow School of Art de 1988 à 1991, mais, ses premiers recueils publiés, il change de cap; sans perdre son humour ni renoncer au dessin, heureusement ! L’humour est en effet un ingrédient majeur de son travail, et le dessin reste son mode d’expression le plus spontané. Si donc il intervient, l’année 2000, dans l’édition du dimanche du quotidien The Independent, c’est alors plus en artiste invité qu’en satiriste aguerri. À cette tribune, l’artiste porte le regard singulier d’un amateur sur le monde. Le caricaturiste, lui, agit en journaliste et souvent en éditorialiste. Il a des comptes à rendre sur l’actualité du monde, là où l’artiste n’a de compte à rendre que sur sa propre actualité.

Ce qui distingue surtout le travail de Shrigley de celui d’un dessinateur de presse professionnel, c’est l’instabilité de son style : de son graphisme et de sa graphie. Alors que le professionnel va s’attacher à élaborer une « écriture » personnelle immédiatement reconnaissable, Shrigley s’obstine à hoqueter comme un maladroit d’un dessin à l’autre, comme si chaque dessin était le premier et comme si aucun progrès ne lui était permis. Or s’il se tient à une telle (absence de) discipline, ce n’est pas parce qu’il est à la recherche d’une naï;veté originelle — les dessins d’enfants sont pour lui sans aucune espèce d’intérêt —, ni parce qu’il a le goût du défi; ce n’est pas non plus parce qu’il est affligé d’une grave schizophrénie — le niveau de son désordre mental ne dépasse pas la moyenne, ou alors il cache bien son jeu ! —, ni qu’il cherche à analyser ce symptôme étrange selon lequel à peu près tout adulte se transforme en lourd handicapé dès qu’on lui demande de dessiner de mémoire un mouton ou tout autre animal… (Car il y a sans aucun doute beaucoup de différences entre une taupe et un kangourou !) C’est plutôt pour tromper l’ennui qui menace derrière toute spécialisation que Shrigley adopte ce profil d’amateur incurable. Et c’est surtout pour établir une relation plus directe avec son public, qui, en l’absence apparente de tout style ostensible, pourra recevoir ses dessins — lesquels parfois peuvent se présenter sous la forme de pages de textes manuscrits — comme s’ils lui étaient adressés en propre : à la façon d’un message laissé à un proche sur la table de la salle à manger ou sur la porte du réfrigérateur. D’ailleurs je n’ai pas de réponse à apporter à sa place. Mais je constate qu’en procédant ainsi, il nous place dans une situation qui a quelque chose à voir avec la façon dont un événement inattendu peut advenir sous nos yeux et accapare dès lors notre attention : qu’il s’agisse d’un accident de la circulation ou du lacet dénoué du piéton qui nous précède… Le dessin, comme la rue, doit être un spectacle — pour le dessinateur comme pour nous-mêmes, qui sommes encore moins bien disposés avec un crayon [on apprend à écrire en dessinant puis on désapprend le dessin en écrivant]. Qu’on ne se méprenne pas, l’amateur dont je parle fait tout ce qu’il peut et n’agit pas avec nonchalance. L’amateur peut être dilettante, mais il peut aussi être acharné à la tâche, et c’est plutôt dans cette catégorie que se range Shrigley, quand il travaille effectivement. Un texte raturé trahit toujours, en même temps qu’une certaine confusion, le souci d’une expression enrichie et plus précise.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du Domaine de Kerguéhennec)

L’artiste
David Shrigley est né en 1968 à Macclesfield, Angleterre. Il a fait ses études à la Glasgow School of Art (BA Fine Art) de 1988 à 1991. Il vit et travaille à Glasgow, Écosse.

L’auteur
Frédéric Paul est directeur du Domaine de Kerguéhennec.

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