Quand le performeur David Noir — artiste associé au Générateur depuis 2016 — plonge dans les méandres, c’est accompagné d’une bouée d’humour. Autrement dit, ses performances brassent des sujets sombres comme la mort, la sexualité plus ou moins enfantine et/ou consentie, mais avec une autodérision bienfaisante. Cette pointe d’absurde qui transforme la répulsion en rire. Acteur, performeur, metteur en scène… Depuis 1986, David Noir sculpte la langue, les personnages, images et sons. Et à la croisée de l’effroi et du kitsch, sa performance Mobil’Homme (2019) promet quelque grincements de dents et ricanements nerveux. Le pitch ? Sur l’air d’Un accident (1976), de Michel Sardou, il sera question d’un couple rompu et d’une portière de voiture. Pièce interprétée par Marie Verge, Adrien Solis et David Noir, Mobil’Homme mobilisera également une composition sonore de Christophe Imbs. Quant aux deux chiens, Deus et Jaya, ils participeront à leur manière à cette joyeuse débandade affective.
Mobil’Homme de David Noir : la savoureuse rencontre du kitsch et du punk
Pour ceux qui ne connaissent pas la chanson de Michel Sardou, il suffit d’imaginer le chanteur racontant de façon poignante, à la première personne, un accident de voiture. Suite à une rupture sentimentale, peut-être. Voix accélérée ; voix ralentie… L’histoire sanglante en devient comique. Peut-être existe t-il un seuil au-delà duquel toute tragédie bascule dans l’absurde. Si un tel seuil existe, alors David Noir en explore les contours depuis une trentaine d’années. Pour Mobil’Homme, un couple (homme / femme) s’enchaîne au piano droit de son salon, pour mieux attendre le moment du crash. La rupture. Chair à accident, le couple effectue l’inventaire de ses propres morceaux. Quand David Noir fait de la performance, avec un couple explosé en vol, il pourrait dire comme Jean-Luc Godard : « Montage, mon beau souci ». Loin du raccord invisible, apparaissent ainsi les coutures relationnelles, avec leurs airs de tôle froissée.
Une performance déjantée (mais avec portière), à retrouver en vrac au Générateur
Greffant ensemble performance, sons, vidéos, chansons de Michel Sardou et Sylvie Vartan, Mobil’Homme éclate la narration. Et comme pour les accidents de voiture, avec leurs avant, pendant et après pourtant impossibles à confondre, un décalage flotte. « Installe-toi donc ; fais comme chez moi. » La langue polie des conventions sociales roule à contresens sur l’autoroute du respect des bonnes mÅ“urs. Forcément, à un moment, ça va clasher. Dans la chanson de Michel Sardou, s’échappant du brouillard le temps d’une phrase, le protagoniste dit avec lucidité : « J’espère que je n’ai tué personne ». Plutôt que de rationaliser ce qui n’est pas rationnel, Mobil’Homme transcrit quelque chose du choc. Dans une oscillation entre sens des responsabilités et fascination punk pour le grand n’importe quoi. Et du ronronnement de la variété française, façon Tournez manège !, au Crash, façon David Cronenberg, Mobil’Homme fera sa première au Générateur.