L’époque moderne a été façonnée par une perception de l’espace et des ressources comme étant infinis. L’époque contemporaine renoue avec la notion de limites. Le spectacle de danse contemporaine Flood, de Daniel Linehan (Cie Hiatus), joue avec ce changement de mentalité. Changement qui affecte les corps et leurs manières de se mouvoir. Avec un humour un peu loufoque, quatre danseurs mettent en lumière les articulations en vases communicants. Comme une couverture trop petite, qui ne permet pas de couvrir pieds et épaules en même temps, à moins de contorsions peu confortables, il y a une pointe de burlesque dans les débordements de Flood. Quand l’un des danseurs, par exemple, gît au sol tel un automate raidi, tandis qu’un autre tente de l’aplatir : bras rebelle, jambe qui rebique… Il y a toujours une partie qui refuse de s’aligner.
Flood de David Linehan (Cie Hiatus) : débordements, obsolescence et course folle
Sans musique, dans un décor dépouillé et ponctué de draps suspendus, comme rongés ou brûlés, Flood [inondation] suit le cours d’un flux qui ne cesse de sortir de son lit. Pour mieux y retourner. Quand une personne quitte l’espace de la représentation : que devient-elle ? Qui prend sa place ? Quand un nouveau produit technologique inonde le marché : que deviennent les produits précédents ? Dans un espace-temps infini, il y a de la place pour tout. Dans un espace-temps fini, chaque élément pousse l’autre. Mais vers quoi ? Avec la pièce Flood, le chorégraphe américain Daniel Linehan interroge les phénomènes de répétition et de distribution en espace limité. Un geste commence et se répète au fil du temps, en se modifiant. Subissant une constante accélération, à l’instar du ressenti grevant l’époque contemporaine. Celui de gestes, de produits, se succédant à un rythme de plus en plus fou.
Une danse contemporaine minimaliste, comme vecteur de décélération, de souffle
Et là où chacun se sent de plus en plus bombardé et débordé par les informations, le spectacle Flood propose de la décélération. Avec une pointe d’humour, les danseurs suffoquent sous la pression, le stress, qui se transmet alors de corps en corps. Poussant de petits cris hystériques, les interprètes tentent de juguler les trop-pleins. Mais il y a toujours quelque chose qui rebique. Dans le corps singulier, dans le corps social. Chorégraphe américain, Daniel Linehan a d’abord pratiqué la danse à New York. Avant d’intégrer le P.A.R.T.S, à Bruxelles, c’est-à -dire l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker. Installé depuis lors en Europe, Daniel Linehan et sa compagnie Hiatus cultivent une danse sobre, qui reflète l’économie de moyens. Toute l’intensité se concentre ainsi dans les mouvements, les interactions entre les danseurs. Et dans cette lignée d’une redéfinition du Minimalisme, Flood canalise les atermoiements entre trop et pas assez, par l’humour, la légèreté.