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David Damoison

La trentaine de photographies exposées provient des nombreux voyages et résidences effectués par le photographe David Damoison depuis près de 20 ans. De la Havane au Congo, de Caracas au Venezuela, de Brazzaville à Johannesburg, et en Martinique, David Damoison poursuit sa photographie des identités créoles. Une manière pour lui de résister à la dispersion de ces communautés et de restituer des mémoires fragilisées par la mondialisation.

Sa pratique photographique n’est en rien comparable à ces photographes reporters emportés dans la frénésie de la concurrence des images qui ne font que passer en prenant leurs clichés. David Damoison cherche plutôt à établir des passerelles entre ces identités multiples. Né d’une mère originaire du Tarn et d’un père antillais, il éprouva très tôt ce désir de rééquilibrer ce double héritage culturel.

Sa photographie s’inscrit pleinement dans le reportage «dialogique» privilégiant l’écoute, le dialogue, le désir de recréer du lien avec ces autres communautés de la Caraïbes ou de l’Afrique. Même lorsque ses photos sont prises rapidement comme dans les barrios de Caracas ou de Fort-de-France, elles ne sont jamais volées.

Le portrait de la vieille femme vénézuélienne au masque d’enfant renvoie peut-être avec humour aux mois passés par David Damoison en atelier avec des enfants de quatre quartiers différents de Caracas. Il a ainsi eu accès à la vie de ces bidonvilles et gagner progressivement la confiance de ses modèles.

Les photos couleurs faites à Brazzaville ou la série «Nuits noires, nuits banches» témoignent aussi de cette proximité avec les sujets. Le portrait flou de la jeune fille rêveuse alterne avec les beaux détails des plissées de la robe sur la poitrine rappelant la douceur et la simplicité d’une peinture de Corot. Et, même lorsque la violence urbaine est présente comme dans cette photo d’un jeune au visage masqué, ou dans la figure de cet homme qui se vautre dans un caniveau, David Damoison n’est jamais voyeur. Il témoigne plutôt de cette vie tumultueuse et contrastée, tout à la fois dangereuse et poétique de ces bidonvilles aux lumières changeantes. C’est là qu’on ressent pleinement la puissance de la photographie à révéler un peuple. Et les portraits de David Damoison sont profondément optimistes dans la mesure où ils saisissent au-delà de la misère des peuples, les énergies et les potentialités enfouies.

Ainsi, Vodun série offre des images hallucinantes de ces rituels vaudous pratiqués en Haïti, à Cuba ou à Panama. Ces clichés s’inscrivent dans une photographie d’anthropologue poétique inaugurée en son temps par Pierre Verger.
Dans l’exposition alternent habilement couleur et N&B, gros-plan et photo de groupe, piqué et flou, vitesse et pose dialogique, triptyques et petits formats, argentique et numérique, etc.

A Pointe Noire, David Damoison a su nouer des liens avec ces travailleurs portuaires travaillant dans des conditions difficiles. L’impact de ces photographies est immédiat. L’usage du noir et blanc permet d’approfondir l’intensité des regards surgissant des visages salis par la poussière. Les portraits alternent avec des photos de groupes. L’épiphanie du visage devient le thème central.
L’un des trois triptyques de l’exposition montre la photo d’un jeune malien dans une décharge à Bamako arborant un tee shirt USA. «C’est l’une des rares fois de ma vie où j’ai photographié quelqu’un sans prendre son visage», commente David Damoison. Cette image est associée à celle d’une gravure ancienne du XVIIe siècle montrant Amerigo Vespucci apportant la civilisation en Amérique représentée par une femme allongée. En arrière-plan, une scène d’anthropophagie montre des indiens se dévorant entre eux. Un assemblage d’images qui résume à sa manière l’histoire des représentations en pays dominé.

La photographie de David Damoison n’est pas humaniste (encore moins humanitaire), elle est phénoménologique dans la mesure où elle décrit cette apparition du Visage et associe la photographie à l’émergence d’une parole. Conférer une visagéité aux hommes sans visages, aux minorités, telle est l’une de ses plus nobles fonctions, à elle qui est si encline à transformer le visage en choses.
A la pratique de la photographie des pays dominants, David Damoison oppose un autre régime d’images qui n’est plus de l’ordre de la capture, du scalp, du scoop ou même du «shoot». Photographier n’est pas figer l’Autre dans son regard. La photographie n’est plus «une mise à mort», mais une épreuve de vie!

— David Damoison, Bassin St.Jacques série «Vodun Voyage», 1999-2010. 29,5 x 43,5 cm
— David Damoison, Caracas, 2003-2010. 36,5 x 53,5 cm
— David Damoison, Chez maman Sosso Colin, série «Vodun Voyage», 1998-2010. 43 x 29 cm
— David Damoison, Fort de Franc, 2005-2010. 36,5 x 53,5 cm
— David Damoison, Johannesburg, série «Paroles», 2008-2010. 103,5 x 53,2 cm
— David Damoison, Johannesburg, série «Rituels», 2008-2010. 41,5 x 103,5 cm
— David Damoison, Kafou, série «Vodun Voyage», 1994-2010. 36,5 x 53 cm
— David Damoison, La Havane, série «Nuits noires et blanches», 1992-2010. 53,5 x 36,5 cm
— David Damoison, Martinique, 1993-2010. 36,5 x 53,5 cm
— David Damoison, Pointe Noire, série «Dockers», 2003-2010. 53,5 x 53,5 cm. 36,5 x 53,5 cm
— David Damoison, Pointe Noire, série «Nuits Noires et Blanches», 2003-2010. 53,5 x 36,5 cm
— David Damoison, Pointe Noire, triptyque «Les Anges Gardiens», 2006-2010. 38,5 x 103,5 cm
— David Damoison, Port au Prince, série «Nuits Noires et Blanches», 1993-2010. 53,5 x 36,5 cm
— David Damoison, Saut d’eau, série «Vodun Voyage», 1998-2010. 43,5 x 29,5 cm
— David Damoison, Souvenance, série «Vodun Voyage», 1995-2010. 29 x 43 cm