Associant aquarelle, gouache, crayon et sanguines, autant que mots, personnages et nuances tachistes, David C. Scher, peintre américain d’une cinquantaine d’années, apparaît aux premiers abords comme expressionniste et tachiste.
D’un trait fin, ondulant mais vif et expressif, il présente ici de grandes aquarelles qui appellent un coup d’oeil rapproché. Sa différence apparente avec ce que nous avons l’habitude de voir se situe sans doute dans cette confiance faite au rapport entre la main et l’œil.
Ici, pas de références à la photographie, à l’image, reprise dégradée ou trompée, mais une confiance totale envers l’imaginaire et la force associative du monde qui est déjà entré en soi, grâce à la simple observation, à la vie éprouvée mais aussi grâce à l’étude de l’art.
Chaque grande aquarelle présentée dans l’exposition semble répondre à un référent historique. Si ces références sont nombreuses, elles travaillent sur le spectateur comme des échos et des réminiscences.
Il joue à dialoguer avec la tradition des grands tableaux d’histoire, des vues champs de bataille ou de désert exotiques (à la Dali), des sous-bois cézanniens, des vedute sur le port d’une ville (Canaletto), des galeries d’oeuvres (à la Pannini), des panoramiques sur les toits des villes (Nicolas de Stael), des grandes fresques de travailleurs sur échafaudages (Fernand Léger), des grouillements urbains devenant abstraits (le Dubuffet des années 50) ou des immenses intérieurs d’appartements évoquant Raoul Dufy. Chaque scène est composée de façon à résonner avec un univers pictural tout en étant filtrée par une dominante chromatique.
Dans ses points de vues imaginaires sur des espaces denses et panoramiques, l’oeil fouille en s’approchant et s’amuse à trouver un détail narratif pour le voir ensuite disparaître dans une composition abstraite faite de nuances lumineuses et de jeu d’emboîtement complexes. Ses mises en scènes sont peuplées de milles activités (à la Jérôme Bosch ou Brueghel), de tentatives isolées et de mini-drames.
Il y dessine un théâtre des activités humaines : tirs, chutes, lancets, scènes de chantiers ou assaults, tout cela occupe ses personnages, fragiles et isolés.
L’exposition est accompagnée de la publication d’un catalogue (format carnet de croquis) finement réalisé et regroupant notes, dessins, textes et une interview. C’est une façon, simple et réussie de mettre en avant sa pratique du dessin, du carnet de croquis empli de situations entre la chose vue, la caricature amusée et la fantasmagorie absurde.
Dans ce catalogue, on suit un regard exercé à extraire un geste discret, une situation, des mots entendus ou trouvés pour un temps d’arrêt sur la page. Il les laisser exister comme formes pures : il parle d’ailleurs du dessin comme l’art d’attraper les mouches.
Il élabore une ingénierie des comportements et de situations minuscules, comme on en trouve dans les carnets de Duchamp, entre glissements sémantiques et lapsus ensuite étendus au dessin d’objet. Ici se révèlent ses affinités avec des pratiques contemporaines telles que celles d’un Jonathan Meese ou David Shrigley, des solitaires, lointainement surréalistes, à la fois primitifs et folk.
David Scher
— Fan deck, 2007. Aquarelle sur papier. 76 x 105 cm
— P.M., 2007. Aquarelle et crayon sur papier. 76 x 105 cm
— Camp, 2007. Aquarelle et crayon sur papier. 87 x 120 cm
— Brink, 2007. Aquarelle et encre sur papier. 76 x 106 cm