En entrant dans la galerie Alain Gutharc, on en mettrait sa main au feu: les personnages postés là , totalement immobiles, vêtus de jeans, T-shirts et baskets, sont plus que réels.
Un second objet attire l’œil, c’est un tapis circulaire représentant pour certains l’icône d’attente figée des ordinateurs Macintosh, pour d’autres, le pelage d’une vache curieusement ré-assemblé. Le tapis de peau noir et blanc sert de socle à l’une des statues qui est aussi appuyée contre un mur, comme arrêtée net, déséquilibrée.
Les œuvres de Daniel Firman constituent un langage à décrypter, comme celui du titre de l’exposition, « Danse-le en déflexion », une injonction de prime abord assez mystérieuse, qui pourrait être l’ordre donné par l’artiste aux modèles bien vivants de ses sculptures-moulages.
Daniel Firman privilégie ainsi le mouvement interrompu, conduisant à un déséquilibre figé, misant sur les sensations du visiteur et sur le langage du corps.
Carla, un modèle de l’artiste, tournait en effet sur elle-même en maintenant son pull sur son visage comme si elle ne parvenait pas à l’enlever, lorsque l’artiste lui intima l’ordre de stopper net son mouvement. Il la moula ensuite à l’identique. On ne voit donc pas son visage. Idem pour les deux autres personnages, eux aussi aveuglés par leurs vêtements, reliés l’un à l’autre par des manches de sweat-shirts et semblant sur le point d’entamer une ronde un peu morose.
Cette démarche renvoie directement à la « contact dance » inventée par le chorégraphe américain Merce Cunningham : les contacts aléatoires des danseurs entre eux ou avec des objets déterminent le mouvement et la trajectoire de chacun pour former la chorégraphie.
Daniel Firman s’intéresse aussi à la géométrie furtive, inspiré par un séjour de travail à l’Aérospatiale sur les formes indétectables par les radars. De même pour la déflexion. Visuellement, sur un mur entier de la galerie des miroirs orientés d’une certaine manière, se chevauchant légèrement, renvoient une image recomposée et distordue des choses qui leur font face en garantissent en théorie l’indétectabilité. De même pour les corps placés à 30° par rapport à la surface du sol, à l’instar des lignes rouges, jaunes et bleues qui sillonnent un coin de l’espace.
Comment relier ces deux thématiques ? Par les déplacements du corps dans la galerie. Comme les personnages figés dans leur mouvement, le visiteur est tantôt absent, face à un miroir dans lequel il ne se voit pas, tantôt présent, furtivement, lorsqu’il passe devant une glace ou lui-même stoppé net, son image s’ajoutant à celle des sculptures dans le reflet des miroirs qui se chevauchent.
On s’en tire avec une impression indéfinie de malaise tel qu’on doit la ressentir dans une hypothétique quatrième dimension, et de sensation d’être à la fois allégé d’un poids, comme flottant, et cerné dans ses