Pour sa première exposition personnelle à Paris, Marcelline Delbecq présente un ensemble d’œuvres pour la plupart inédites, réunies sous le titre énigmatique «Dans la nuit / In the dark».
La nuit est la condition sine qua non de l’existence de nombreux récits et images littéraires, comme de l’existence du cinéma lui-même : aucun dispositif ne peut, mieux qu’une salle obscure, donner corps à une projection. Et c’est bien ici de projection(s) dont il s’agit : celle du regard, celle de l’imaginaire, celle du spectateur à l’intérieur de fictions dont la clé semble parfois se situer hors champ.
Point de départ et métaphore des pièces qui s’y déploient, le titre de l’exposition est inspiré par deux œuvres. Dans la nuit est un des derniers films muets du cinéma français, réalisé par Charles Vanel en 1929, dans lequel un homme au visage défiguré, dissimulé derrière un voile, voit s’éloigner peu à peu son épouse qui ne le regarde plus. Par ailleurs, dans le roman Laughter in the dark de Vladimir Nabokov (qu’il avait traduit lui-même du russe à l’anglais), le protagoniste détruit sa vie pour une ouvreuse de cinéma qui le rendra aveugle. Oscillant entre le français et l’anglais, «Dans la nuit / In the dark» existe en deux langues pour mieux laisser place à la part d’ombre inhérente à la traduction.
En utilisant un ensemble de médiums dédiés à la fabrication d’images (mentales ou visuelles) et en faisant basculer leurs propriétés intrinsèques, l’artiste parvient à susciter un univers intangible dans lequel le spectateur/auditeur est invité à éprouver singulièrement son propre regard. Des façades de movie palaces aujourd’hui détruits, une phrase de dialogue muet, un rideau tiré, et la voix de l’actrice Elina Löwensohn — qui raconte en français et en anglais une même histoire à travers un cadre panoramique évidé — l’entraînent dans un espace-temps qui oscille entre passé et présent, visible et invisible, sonore et visuel.
Enfin, le livre-catalogue Close-up ouvre un champ supplémentaire dans la pratique de l’artiste. Close-up est en effet conçu comme une promenade à l’intérieur d’un diorama du XIXe siècle, dans lequel chacune des salles renferme une série de récits – écrits par Marcelline Delbecq – préalablement formulés pour des pièces sonores, des lectures ou encore des projets artistiques imprimés. Moteur fondamental d’une pratique qui, chez cette artiste, se situe à la lisière de la littérature et des arts plastiques, le texte prend ici toute son ampleur sous la forme d’un ouvrage en édition limitée, à la lumière duquel le spectateur peut plonger plus profondément encore «Dans la nuit / In the dark
L’artiste Dike Blair, le commissaire d’expositions Anthony Marcellini et le critique d’art Jeff Rian ont également contribué à cette édition.
Publication
Close-Up, catalogue monographique de l’artiste, est publié à l’occasion de l’exposition.
Textes de: Dike Blair, Marcelline Delbecq, Anthony Marcellini et Jeff Rian.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Emmanuel Posnic sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Dans la nuit / In the Dark