Marianne Anselin, Brune Boyer, Frédéric Braham, Christophe Burger, Monika Brugger, Faust Cardinali, Taher Chemirik, Cathy Chotard, Cathy Coez, Florence Croisier, Marion Delarue, Eric de Gésincourt, Marie-Aimée Grimaldi, Joanne Grimonprez, Sophie Hanagarth, Elie Hirsch Buchwald, Marie Masson, Evelie Mouila, Gilles Jonemann, Emmanuel Lacoste, Catherine Le Gal, Florence Lehmann, Patricia Lemaire, Benjamin Lignel, Géraldine Luttenbächer, Christophe Marguier, Aude Medori, Astrid Meyer, Julia Moroge, Jean-François Perena, Galatée Pestre, Agathe Saint-Girons, Annie Sibert, Maud Traon, Patrick Veillet, Laurence Verdier, Claire Wolfstirn, Nelly Zagury
Dans la ligne de mire. Scènes du bijou contemporain en France
Il a semblé important de mettre à l’honneur aujourd’hui aux Arts Décoratifs une cinquantaine de talents, émergents ou confirmés, afin de mieux faire connaître les expérimentations, tant au niveau des matières que des formes, menées par ces bijoutiers et orfèvres-plasticiens. Ceux-ci cherchent à inclure le domaine du bijou dans le champ de l’art contemporain, comme une pratique conceptuelle à part entière. Cette volonté les amène à rompre avec les conventions du bijou classique. Formés dans des écoles d’art, ils nourrissent une réflexion personnelle et critique, où l’observation des mutations dans les codes sociaux, les questions de valeur, de statut social, de destination, de genre, d’intimité, va prendre le pas sur les impératifs purement commerciaux ou la simple notion d’accessoire.
Les bijoutiers contemporains sont ceux que le public connaît le moins bien, ces derniers produisant essentiellement des pièces uniques, réalisées entièrement à la main, exposées seulement dans quelques galeries spécialisées, dans des musées d’arts appliqués ou d’art contemporain, en l’absence d’un appareil critique adapté et d’une couverture médiatique efficace. Ces créateurs consacrent toute leur vie artistique au domaine du bijou… Ainsi, leur production se démarque de celle qu’on englobe habituellement sous la dénomination « bijoux d’artistes », ces termes concernant des sculpteurs ou peintres souvent de grand renom, ayant dessiné ponctuellement des bijoux. Il en est de même pour les bijoux de designer qui jamais ne creusent aussi intimement et sur le long terme un vocabulaire personnel autour des multiples références historiques et symboliques du bijou.
«Dans la ligne de mire» consacre également une large place à des créateurs liés au domaine du bijou de couture et de mode, activité fondamentale dans l’histoire des industries du luxe en France, qui constitue un creuset de créativité et d’innovation sans équivalent hors de France. Cet apport original de la création hexagonale dans le domaine élargi de la parure (accessoires, broderies…) est représenté tant par des ateliers semi-industriels de haute-technicité que par des artisans travaillant seuls, qui savent transmettre avec virtuosité des savoir-faire traditionnels rares, complétés par l’apport de nouvelles technologies, au service d’expérimentations incessantes.
Ces deux domaines, l’un délibérément conceptuel et l’autre conçu comme un art appliqué, sont habituellement assez distanciés, leurs acteurs ne se croisant que rarement dans les mêmes lieux d’expositions. «Dans la ligne de mire» est l’occasion de montrer que ces scènes parallèles convergent dans un même imaginaire de la métamorphose complète du corps, liées par un idéal de réinvention perpétuelle des approches techniques, mues par des défis esthétiques visant pareillement à émerveiller, intriguer, voire choquer… Dans tous les cas, c’est la diversité des matériaux pauvres ou riches, la signification symbolique et le parti pris spectaculaire des œuvres qui priment alors.
Enfin, trois maisons de haute bijouterie ou de haute joaillerie ont été sollicitées pour la qualité d’innovation et de renouvellement des codes traditionnels de la joaillerie qu’elles ont su engager, grâce à une collaboration avec des créateurs. La maison Boucheron, dans le cadre d’une contribution exceptionnelle, a rencontré l’anglais Shaun Leane. La maison Hermès développe quant à elle le concept de haute-bijouterie, imaginé par le designer Pierre Hardy. Enfin, chez Dior Joaillerie, avec le travail iconoclaste et fantaisiste de Victoire de Castellane.
«Dans la ligne de mire» a été conçue comme un parcours de créations originales, disséminées dans l’ensemble des salles du musée, placées dans les vitrines au sein des objets, du mobilier et des period-rooms qui constituent les différents départements chronologiques, du Moyen Age à la période contemporaine. Les bijoux entrent ainsi en résonance avec le vaste répertoire ornemental des arts décoratifs : ils seront regardés avec plus d’acuité que s’ils avaient été présentés dans une salle vide uniquement réservée à leur intention. Quelques projets, hors-norme au regard de leur taille ou de leurs matériaux non précieux, sont présentés hors vitrines. Ces installations surprennent le visiteur par un rapport d’échelle et d’espace inattendu dans ce domaine du bijou. Certaines salles sont réinvesties par des artistes associant habituellement le bijou à un scénario (image ou texte) avec des propositions spécifiques mêlant bijoux, vidéos ou photographies.
Pour compléter le parcours, un projet intitulé «Bijoux de parade / Bijoux de combat», déployé à la manière d’un tableau vivant, prend place dans la Galerie d’Actualité du département contemporain. On y retrouve certains artistes déjà présents dans d’autres endroits du parcours, avec des créations inspirées par l’armure, l’uniforme militaire ou le camouflage, imprégnées d’une certaine violence liée à l’affirmation d’un pouvoir. Elles abordent en outre l’actuelle vogue des modifications volontaires de la surface du corps, piercing, tatouage, scarification.
Enfin, plusieurs interventions du designer Arik Levy, inspiré de son précédent projet Crystal Palace pour Swarovski, en particulier de grandes sculptures-cages et des agrandissements photographiques évoquant la taille du diamant, jalonnent également ce parcours du bijou contemporain au sein du musée.