Chorégraphe québécois actif depuis les années 1970, Daniel Léveillé cultive une danse curieuse des émotions. À rebours d’une danse conceptuelle très écrite et structurée en amont de sa réalisation, Daniel Léveillé compose et laisse les éléments se mettre en place. Un travail d’écoute et d’intuition, notamment affiné par plusieurs décennies d’expérience. Habitué à travailler avec les corps nus, à fleur de peau et d’âme, ses deux précédentes pièces, Solitudes solo (2012) et sa variante Solitudes duo (2015), s’étaient plongées dans l’exploration sensible de la solitude. Comme une continuité, Quatuor tristesse prolonge le mouvement par un corollaire possible de cette solitude : la tristesse. Tel un voile léger, presque souriant, un subtil moment de flottement dans la trame serré de l’efficacité quotidienne. Sur des notes de Claudio Monteverdi et John Dowland, Quatuor tristesse déroule ainsi sa poésie sensible.
Quatuor tristesse de Daniel Léveillé : musique baroque, dénuement et légèreté
Pièce pour six interprètes — Mathieu Campeau, Dany Desjardins, Ellen Furey, Justin Gionet, Esther Gaudette, Simon Renaud —, Quatuor tristesse est nourrie par la musique baroque. Celle du compositeur Italien Claudio Monteverdi (1567-1643), celle des polyphonies du compositeur britannique John Dowland (1563-1626). Nudité sans vulgarité, tristesse sans gravité… Le chorégraphe Daniel Léveillé entretient avec l’intuition, l’instinct et l’émotion des rapports de curiosité créative. Revendiquant une approche sensible dans une tendance globale plutôt portée vers la rationalisation logique, il ne prétend pas épuiser le sujet. Ni dépression clinique, ni sensation d’écrasement absolu, la tristesse effleurée par Daniel Léveillé s’octroie la possibilité d’exister en toute légitimité. Avec douceur, les corps se portent, se supportent. Sur des notes de violon qui sont autant de cordes suspendues au-dessus de l’abîme.
Danse d’émotion, d’instinct et d’intuition : ce que la tristesse fait aux corps
Recherche d’équilibre, auscultation du vide, Quatuor tristesse prend les traits d’une pièce arrimée au sol, mais attirée par l’envol. Pour une sensation proche de cette douce mélancolie immortalisée par Albrecht Dürer. Nostalgie de l’infini, Quatuor tristesse cultive cependant simplicité et dépouillement formels. Dans le choix des décors, des musiques, notamment. Un détachement et une nudité qui soulignent ce que cette tristesse fait aux corps. De la lente attraction vers le sol à l’élan vers les cieux, désir d’élévation et besoin de se recroqueviller… La lenteur de la tristesse ouvre ici un temps de contemplation. Un temps propice a l’observation des mouvements, des interactions. Pièce de la maturité, Daniel Léveillé y tient la théâtralité à l’écart. Laissant toute la place aux corps mouvants et mus. Avec, toujours, l’exploration de cette même question : qu’est-ce qui sous-tend la dualité de l’émotion et du geste chez l’interprète ?