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Daniel Dezeuze

PNicolas Villodre
@31 Mar 2010

Daniel Dezeuze continue, dans le sillage du mythique groupe Supports-Surfaces, à traiter de la «peinture tout court»: des conditions techniques de sa production, de l’évidente matérialité du tableau considéré comme média immédiat, transparent, tautologique, de la puissance évocatoire du moindre geste, de la richesse d’un art humble d’apparence.

Daniel Dezeuze consacre son exposition chez Templon à ce qu’il est convenu d’appeler la «peinture d’histoire», en empruntant une thématique médiévale — guerrière et civile, régulière et séculière, noble et ignoble. Il continue pourtant à traiter de la «peinture tout court»: des conditions techniques de sa production, de l’évidente matérialité du tableau considéré comme média immédiat, transparent, tautologique, de la puissance évocatoire du moindre geste, aussi minimaliste fût-il, de la richesse d’un art humble d’apparence.

Un polyptique de neuf écussons — trois emblèmes posés sur trois niveaux — intitulé Blasons, aux motifs de papier peint donne d’emblée le ton. Les emblèmes des boucliers de petite dimension, peints des couleurs les plus variées (bleu, vert, mauve, orange) sont marouflés sur bois. Divers agencements de cloutages argentés — en forme de flèche, de losange, de croix — ornent les panonceaux. Chaque blason porte le blaze d’une famille, d’une lignée princière ou royale ou, plus prosaïquement, d’une corporation. L’artiste propose des armoiries fictives qui, en même temps, ont l’air tout ce qu’il y a de plausibles.

Son Bouclier est un assez grand format. Sa structure croisillonnée visible à travers les maigres dépôts de pigment séché en fait un écho lointain de son fameux Châssis avec feuille de plastique tendue (1967), œuvre maîtresse qui fut à l’origine du mouvement d’avant-garde seventies Supports-Surfaces dont, faut-il le rappeler? le peintre fut l’un des membres fondateurs.
La fragilité de la surface peinte en polychromie et l’usure anticipée du support des onze grands Boucliers en forme de goutte d’eau inversée qui occupent tout un mur de la grande salle de la galerie rappellent aussi les toiles de sa série Gazes (1999).

Les Filets à papillon forment une «installation» qui pourrait être située, sur les plans historique et formel, dans la suite logique de ses Objets de cueillette (1993). Deux bouts de palissade en vannerie ressemblant vaguement à des robes de vahinés (un hommage à Gauguin?) sont posés au mur alors que neuf filets aux teintes pastel sont accrochés au plafond, les manches en bois franc alignés horizontalement, les poches en nylon sacs tombant gracieusement au-dessus de nos têtes.

Les Dessins hérétiques, les dessins de flèches sans titre et autres Calaceite (pastels représentant des arcs) font songer à des œuvres sur papier plus anciennes de l’artiste (Le Sac de Valence, 1985, par exemple).
Le mot «hérétique» sonne aussi fort que celui d’«érotique». Il se réfère sans doute aux origines cathares du peintre, né à Alès et ayant fréquenté jeune l’École des beaux-arts de Montpellier. Le dessin en général n’est-il pas lui aussi devenu hérétique au moment où les peintres ont abandonné la peinture? Après Duchamp, donc ? Cette question ne se pose pas vraiment avec les membres du groupe Supports-Surfaces qui, mine de rien, malgré un certain puritanisme formel ou une ascèse esthétique de type cistercien, ont continué à peindre et à dessiner comme si de rien n’était, comme avant, comme de tout temps.

La série Icône, faite de casiers en bois rappelant ces étagères destinées à ranger des choses, rappelle sa sculpture monumentale Per una selva oscura I (1990).
Les Fûts, au nombre de quarante-quatre, des demi-bûches de bois coupées longitudinalement, fixées sur deux rails en fil de fer, et roulées dans la peinture, tachetés de rouge, vert, bleu et jaune, étagées sur six niveaux, composent une installation spectaculaire qui fait songer au concept d’Extension (1969), autrement dit à une pièce pouvant être présentée pliée ou déployée, compacte ou étalée.

Les trois grands Arcs, engins redoutables à cran d’arrêt, plus proches de l’arbalète que du simple outil de chasse, avaient déjà fait l’objet d’œuvres de l’artiste: on pense notamment à Armes (1985). Daniel Dezeuze prend naturellement le mot «arc» au sens large — celui dont font usage les architectes.

L’exposition s’achève comme elle a commencé, par une série de Blasons, cette fois-ci pratiquement monochromes, sans autres motifs distractifs ou distinctifs qu’eux-mêmes.

Liste des œuvres
— Daniel Dezeuze, Blason, 2009. Encre typographique sur feuille vinyle marouflée sur bois et métal. 35, 3 x 25 cm
— Daniel Dezeuze, Bouclier, 2009. Peinture sur bois et métal. 151 x 66 cm
— Daniel Dezeuze, Calaceite, 1988. Pastel sur papier. 50 x 65 cm
— Daniel Dezeuze, Grand arc, 2009. Corde et acier. 126 x 79 cm

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