Dan Graham
Dan Graham
Au rez-de-chaussée de la galerie, Dan Graham présente un nouveau pavillon (structure hybride, entre architecture et sculpture) constitué de deux parois incurvées en acier inoxydable et verre semi-réfléchissant. Destinée à un lieu public sans avoir un usage précis, l’œuvre Passage Intime invite les visiteurs à pénétrer dans l’intervalle concave situé entre ses parois. Lorsque deux personnes ou plus s’engagent simultanément dans ce passage, l’étroitesse de l’espace induit un contact physique furtif.
«Passage Intime peut être tout autant perçu comme un Tunnel de l’Amour, un étranglement effrayant, une expérience spatiale claustrophobe et inconfortable ou comme un moment d’intimité physique. Les parois convexes et concaves sont en verre semi-réfléchissant, simultanément réfléchissant et transparent de chaque côté. A l’intérieur du «passage», les gens observent en très gros plan leur regard et leur corps se déformer par un effet d’anamorphose (comme dans un miroir grossissant de salle de bain). Les gens à l’extérieur voient leur regard et le reflet de leur corps déformés par un effet d’anamorphose convexe. Les distorsions varient au gré de leurs déplacements. De l’intérieur ils perçoivent les distorsions optiques d’un miroir concave tandis que de l’extérieur ils voient les regards intersubjectifs de chacun superposés les uns aux autres. Leurs corps, en mouvement, se superposent également. Cette expérience ludique peut évoquer le «stade du miroir» de Jacques Lacan, lorsqu’un nourrisson perçoit pour la première fois son regard en relation avec celui de sa mère.» Dan Graham, 2015.
Chaque pavillon conçu par Dan Graham est caractérisé par une unicité de forme et de mise en scène, faisant du visiteur un acteur nécessaire à l’activation de l’œuvre. Depuis la fin des années 1970, Dan Graham a créé, pour des espaces verts ou des contextes urbains, plusieurs dizaines de ces pavillons qui, parfois, existent seulement sous forme de maquette architecturale. Ils sont issus de sources d’inspiration variées: les pavillons de la Renaissance, les jardins anglais du XVIIIe siècle, les folies du XIXe, les pavillons d’exposition temporaires, l’art conceptuel et minimal… L’emprunt du vocabulaire architectural, constant chez Dan Graham, constitue une manière de souligner l’influence fondamentale de notre environnement dans la structuration de notre regard.
Indissociable des pavillons, le verre semi-réfléchissant (two-way mirror) évoque les immeubles de bureau construits depuis les années 1970, permettant à la lumière d’entrer dans l’édifice tout en garantissant sa confidentialité. Au delà des multiples jeux de reflets/réflexions, ce type de verre nous fait également prendre conscience du passé immédiat, notion clé dans le travail de Dan Graham, héritée de Walter Benjamin et explorée dès le début des années 1970 au travers de ses dispositifs vidéo-performatifs.
L’exposition inclut également la projection de Don’t Trust Anyone Over Thirty (N’ayez confiance en personne de plus de trente ans), un opéra rock conçu et mis en scène par Dan Graham. Inédit en France, ce spectacle satirique qui allie musique rock n’roll et théâtre de marionnettes, a été créé en 2004 en collaboration avec le marionnettiste Phillip Huber, le scénographe Laurent Bergen sur une musique live de Japanther. Rodney Graham est l’auteur de la chanson du générique et Tony Oursler des projections vidéo. A l’instar de la série des pavillons, cette création (déjà présentée au Festival de Vienne, au Staatsopera de Berlin et au Walker Art Center de Minneapolis) est née de références aussi nombreuses qu’éclectiques; du cinéma de Billy Wilder à la culture rock des années 1960-1970, à laquelle Dan Graham avait consacré un documentaire (Rock My Religion) au début des années 1980.
Dan Graham est né en 1942 dans l’Illinois et a grandi dans le New Jersey. Il vit et travaille aujourd’hui à New York. Artiste inclassable et autodidacte, érudit et bibliophile, il est aussi critique et théoricien.
En France, actuellement, deux de ses pavillons (Two Nodes et Tight Squeeze) sont exposés sur le toit de la Cité Radieuse de Le Corbusier (MAMO) à Marseille. Du 12 octobre au 12 novembre, Two Nodes et Passage intime seront présentés sur la Place Vendôme à Paris.