Damien Cadio garde une forme d’objectivité scientifique : dans son exposition « Des horizons » il met en scène, comme sous un microscope, la banalité des choses, par où pénètre l’étrangeté. Ses tableaux silencieux, aux tonalités sourdes, rendent aux objets familiers leur surface et leur pesanteur, tout en suggérant leur inscription dans un destin plus vaste.
La crise, où tout se décide
Ces images poussent les choses, objets et paysages, à leur point de plus haute intensité, où ils deviennent abstractions et symboles. Forêts incendiées, fleurs flétries, pinces de crabe, livre calciné… on aperçoit des scènes du monde d’après — après quoi?
Ce qui apparaît, en creux, ce sont les stigmates de la crise que Damien Cadio donne à imaginer — la crise, ce moment où tout se décide, entre flamme et fumée. Selon Denilson Lopes Silva, il « relance un passé sans arrêt perdu, un présent couvert de ruines et un futur vidé de tout sens utopique », un acmé de la chose suspendue au moment où se décide son destin.
Une époque moderne
Damien Cadio joue sur les hiérarchies et les canons de l’histoire de l’art, pour signifier l’embrasement des valeurs : sujets mineurs en formats monumentaux, ambivalence entre nature morte, paysage et tableaux d’Histoire ; fleurs coupées, sur leur tige, qui évoquent des portraits ; cadrages surprenants… Il veut forcer le spectateur à abandonner ses catégories habituelles, mais surtout représenter par là un mouvement générale de notre époque.
Car, comme toutes les époques modernes, où coexistent et se heurtent traditions et innovations, celle que nous traversons est faite de paradoxes, de frictions créatrices, de remises en cause.
Paul Valéry écrivait, en 1919 : « Les circonstances qui enverraient les œuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les œuvres de Ménandre ne sont plus du tout inconcevables : elles sont dans les journaux.» Et sur les tableaux de Damien Cadio.