Brigitte Bauer est allemande mais elle vit depuis peu en France et plus particulièrement à Arles. D’Allemagne est une proposition qui s’est transformée en livre. La série confronte le souvenir de la terre natale avec un présent qui vient en contrepoint, en contrejour.
La vingtaine de photos présentées est proche de la veine journalistique. Les formats sont carrés et les dimensions réduites, seule entorse aux codes du reportage (qui datent un peu), l’emploi de la couleur. Toutes ces photos posées dans des cadres en bois, sont autant de fenêtres ouvertes sur des paysages de l’intimité, des grands espaces naturels allemands. Les scènes sont banales, quotidiennes, populaires, frôlant le kitsch parfois, comme avec ces pots de cactus aux fenêtres, agrémentés de nains de jardin.
Mais l’ensemble ne tombe pas dans l’anecdote et parvient souvent à transcender son sujet. Les enfants peuvent être transformés en saint Jean-Baptiste, et les mères de famille en Pietá. Bizarre cette référence à la peinture catholique pour ce pays de la Réforme ? Toutefois on retrouve souvent la terre des Romantiques. Plusieurs cadrages font directement penser à Friedrich, intentionnel ou non, on peut admirer La mer de glace ou les Falaises de Rüngen.
À la place d’un bateau pris entre les glaces il y a, comme par ironie ou anachronisme, le manche d’un parapluie planté par un passant, écœuré d’avoir cassé les baleines de son pépin. Il faut aussi de l’imagination pour transposer les falaises de Rüngen dans des alpages. Il faut tout autant d’abnégation et de goût du rapprochement lointain pour faire passer des touristes en short et pataugas en modèle du maître de Dresde.
Brigitte Bauer glisse de la petite histoire à la peinture historique, encore faut-il avoir l’esprit analytique pour faire passer une ressemblance lointaine en une conviction consciente et revendiquée. Elle passe de la sphère privée à la scène publique, elle égrenne les saisons et les compositions, elle multiplie les climats, passe d’une forêt à un pavillon des plus ordinaires pour finalement nous offrir une carte postale en forme d’éphéméride.
L’ensemble forme un tout et se feuillette dans un livre qui a été publié pour l’occasion. La qualité du résultat vaut autant pour son exhausitivité que pour le regard personnel d’une habitante déracinée qui retrouve son pays natal. Les pages se conjuguent et se déclinent à la hauteur d’une expérience personnelle.
Brigitte Bauer :
— D’Allemagne, 2003. 20 photos. C-Print. 40 x 40 cm.