Dadamaino
Dadamaino
Dadamaino est contemporaine d’une émergence de mouvements avant-gardistes européens qui marqueront à jamais l’histoire de l’art. Qu’il s’agisse du premier manifeste du Spatialisme, de la naissance des groupes N et T en Italie, du groupe Zéro en Allemagne, d’Equipo 57 en Espagne, du Groupe de Recherche d’Art Visuel (G.R.A.V.) en France, ou de la Nouvelle Tendance à Zagreb, Dadamaino est présente.
Née Eduarda Emilia Maino à Milan en 1930 et morte en 2004, Dadamaino est une artiste italienne qui participe à tous ces courants sans jamais s’y attarder, et poursuit l’enrichissement de sa propre recherche plastique.
À Milan dans les années 1950, foyer de mouvements politiques virulents, elle rejoint le parti communiste italien et s’engage alors corps et âme en politique, l’autre passion de sa vie, collant des affiches, participant à de multiples actions propagandistes. La rétrospective laisse apparaître le portrait d’une femme unique et complexe, solitaire et engagée, indépendante et inspirée, une femme charismatique aux prises de liberté entêtées.
La plupart des écrits sur Dadamaino la montre comme une artiste intelligente et conceptuelle, caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle. L’intérêt aujourd’hui est de trouver et de mettre en évidence un fil rouge à l’intérieur de son parcours: celui de la légèreté, de la tension vers le vide, la disparition, l’annulation, le zérotage, que Maino explore depuis les débuts, comme une tension convoitée mais libératoire.
«J’ai toujours détesté la matière et j’ai toujours cherché l’immatériel. C’est comme si tu faisais une révolution, pas une révolution sanglante ou une guérilla, mais même celle-là si tu veux.»
Dadamaino, in Jole de Sanna, «Intervista con Dadamaino», in Azimuth, 1959-60.
La découverte de l’œuvre de Lucio Fontana dans les années 1950 – qui devint son professeur – et des monochromes d’Yves Klein est fondamentale pour ses recherches. À la fin des années 50, elle côtoie également les membres de la revue Azimuth.
C’est au cours de ces années qu’apparaissent les Volumi, des formes elliptiques évidées dans la toile qui devient cadre pour l’espace.
«Lorsqu’en 58, j’ai commencé à découper les toiles jusqu’à ce qu’il ne reste en vue que le cadre, il est certain que je me mettais en contradiction avec le type d’art pratiqué alors.»
Dadamaino, in Elena Pontiggia, «Dadamaino», Collana Artisti Lombardi, Edizioni Endas Lombardia, Milano, 1990.
Son geste est courageux, radical par opposition aux mœurs de l’époque portée sur la matière. Dadamaino déplace ces recherches sur le vide vers des feuilles transparentes, de plastique, de subtiles acétates, placées l’une sur l’autre, percées grâce une opération précise et méthodique, par intervalles réguliers, par une fustella. Cette apparente légèreté n’est pas synonyme de légèreté conceptuelle: ces nouveaux tableaux sont denses, vibrants, signifiants. Elle est fascinée par la transparence, l’utilisation de matériaux non pensés pour l’art.
Son travail, nourri par une sensibilité scientifique et le goût des mathématiques (elle possède un diplöme de médecine), lui permet de développer des réflexions analytiques, des modèles structuraux vers l’infini qui nourriront ses recherches jusqu’à la fin.
1962 marque l’apparition des Objets optique/dynamiques. «À travers mes recherches optiques sur la lumière, j’ai dû entrer en formation pour apprendre différents corps de métiers. Préparés comme peintres nous étions des techniciens nuls, mais les techniciens aussi. Nous leur donnions des matériaux absolument inédits que personne n’avait jamais expérimentés. En même temps, à la fin de 1962, j’ai dû me rapprocher des disciplines mathématique-scientifiques, toujours pour ces raisons. En étudiant j’ai entraperçu la majeure partie des possibilités de mon travail… je pensais donc faire un objet qui avec le mouvement réel développait le concept du mouvement infini, pas seulement, mais le mouvement infini de la lumière.»
Dadamaino, in Elena Pontiggia, op.cit.
«Eliminer au fur et à mesure les matériaux et arriver à la pure idée»
Sur ce chemin, les travaux qui se situent au plus près de cette idée sont les œuvres de l’Inconscient rationnel.
«Il s’agit d’une écriture de l’esprit: faite de lignes denses et marquée heure par heure, imperceptible et sautillante, sans aucune volonté de programmation à priori, mais sensible à la pression de la main qui, libre, court et trace sans préméditation. Mais il est clair que si la main est guidée par l’esprit, dans ce cas c’est de l’inconscient. Le résultat est une levée de réticulums et d’espaces vides, que rien ne dérange, sinon l’harmonie ».
Dadamaino, in Eleonora Fiorani, «Il Percoso del quotidiano: Dadamaino», in Temporale. Rivista d’arte e di cultura, n°26, Edizioni Dabbeni, Lugano, 1991.
En 1976, la Lettre à Tall el Zataar témoigne de son engagement politique et social. Il s’agit d’une réponse à la violence du massacre où sont mortes trois mille personnes. Une réaction qui devient œuvre. «Dans un village étaient ramassés des milliers de Palestiniens… tous savaient qu’en Palestine se produisait un massacre… tout le monde le savait, était au courant… Personne n’a rien fait… Je croyais encore en l’Homme, en son destin possible, à sa Bonté. J’ai écrit une lettre, où j’ai tracé sur des feuilles des signes sur un mode obsessionnel, en faisant des lignes, comme une invocation, comme un cri de douleur, d’impuissance…»
Dadamaino, in Luca Massimo Barbero, Dadamaino. L’alfabeto della mente, Catalogo, Museo Virgiliano, Virgilio, 2003.
A partir des années 1980, Dadamaino se dédie, toujours plus, à des œuvres liées à la connaissance, comme les Constellations où le sujet est le signe; l’analyse du monde est le propos central des dernières œuvres, ainsi Il Movimento delle cose, calques transparents se déployant sous la forme d’oscillation aérienne.
Le signe, l’espace, le signe à nouveau sont des interrogations méditatives sur l’origine et posent la question du temps, du dévoilement de la présence de l’être au monde. Depuis les premiers Volumi, elle ne fait que dévoiler la même syntaxe, la même exigence à être au monde. Il émerge à travers toute son Å“uvre la même question qui rattache la subjectivité à la finitude, la théorie de la connaissance à l’ontologie, la vérité à l’être.