Présentation
Roberto Cuoghi
Da iḍā e piṅgalā a iḍā e iḍā o piṅgalā e piṅgalā
Grâce à un éventail de supports non conventionnels, Roberto Cuoghi (né en 1973 à Modène, vit et travaille à Milan) explore les idées de la métamorphose, de l’hybridité et de la violence. Il questionne l’identité, l’autorité, l’origine et l’originalité, entre fiction et réalité.
Dans le passé, il s’est attaché à différentes techniques comme la peinture, le dessin, la sculpture et l’animation pour faire face aux défis de l’autoreprésentation et de la transformation physique et psychologique.
En 1998, alors qu’il n’avait que 25 ans, il s’est littéralement transformé en un vieil homme beaucoup plus âgé, son père, dans la manière de se vêtir, de se comporter mais aussi de s’alimenter pour finalement ressembler à un homme d’une soixantaine d’années, barbe blanche et forte corpulence. Probablement son projet le plus légendaire.
En 2008 et ce durant deux ans, Roberto Cuoghi se mit à étudier de façon passionnelle voire obsessionnelle les langues et rituels assyriens puis il édifia une reproduction gigantesque d’une amulette assyro-babylonienne emblématique du démon/dieu Pazuzu, conservée au musée du Louvre. Pazuzu est une divinité assyrienne d’environ 612 avant notre ère, démon du vent tant craint qu’adulé; «Evil drives evil away» («Le mal chasse le mal»). L’artiste a mené de nombreuses recherches sur ce démon: son identité, ses multiples facettes et ses multiples représentations.
Une aventure sur les dérives de la traduction, le voyage d’un texte riche en ambiguïtés, préparé pour engendrer des erreurs: livre d’artiste multilingue (plus de 15 langues différentes viennent traduire un texte de Roberto Cuoghi écrit en italien), illustré en couleurs et en vernis sélectifs, avec un essai sur la traductibilité et l’occultisme dans l’art contemporain de Yorgos Tzirtzilakis et une préface de Stefano Arduini.
«Ce sont les trois sentiers en traduction que nous trouvons dans les pages suivantes. L’idée a été celle de partir d’un texte italien de Roberto Cuoghi, un texte plein de pièges, avec des aspects mystérieux (mais n’est-ce pas là sans doute le destin de tous les textes même de ceux qui sont apparemment plus clairs? Ouvrir au mystère du sens), un texte à l’intérieur duquel on se perd et qu’on lance dans les trois itinéraires de traduction.
Chaque parcours retournait au texte italien et de là on repartait pour une nouvelle route.Une errance qui est la marque du voyage sans l’escale du langage, de son aller au-delà , de son retour d’où on ne sait où.
Des langues différentes, éloignées l’une de l’autre, avec des systèmes grammaticaux et morphologiques non superposables. Des langues dont les familles n’appartiennent pas à une histoire commune: langues indoeuropéennes et langues mixe-zoque, altaïques et nippones, amérindiennes, sinotibétaines et sémitiques. Des langues incommensurables, qu’on ne peut confronter. Des langues qui racontent des mondes étrangers car les faits que nous voyons au travers d’une conceptualisation donnée du monde ne coïncident pas avec ceux qui apparaissent dans une autre représentation.
Une route compliquée, pleine de virages brusques, d’arrêts soudains et de soudaines accélérations. Ces itinéraires nous disent que traduire signifie ré-écrire et que toute traduction produit un texte nouveau et original à partir d’un autre texte, sans être simplement au service de celui-ci. A partir du moment où l’on traduit, les textes ont leur propre destination qui les conduit on ne sait où.
La traduction reproduit le big-bang des interprétations qui se réalise dès qu’un texte apparaît. En ce sens elle nous dit que l’unité est une illusion et que dès qu’un texte est produit il s’ouvre au monde dans son infinité de perspectives.»
Stefano Arduini