Perché sur sa boule étoilée un colibri à la crête mordorée pèse de tout son poids sur un éclat d’étoile. Dans son dos, de petites ailes atrophiées rendent sa démesure pathétique: jamais oiseau ne fut plus pesant. Et pourtant, cet être en tout point maladroit dont les parties semblent se nier l’une l’autre a été voulu, pensé puis assemblé selon un plan bien précis.
Le socle d’un côté, le tronc et les ailes de l’autre : Wilfrid Almendra a tout prévu pour que sa créature ne s’envole pas. Ainsi, bien que monstrueuse, l’œuvre est parfaite. Achevée. Nul écart ne s’est glissé entre les plans qui ont prévalus à sa construction et l’objet fini. Voilà pour la surprise d’Aristote.
Mais si l’oeuvre est parfaite, au nom de quel amour l’articulation de ses parties a-t-elle été pensée? Qu’est-ce qui rend leur assemblage opératoire? Car, comme le dit Empédocle «tous les assemblages dont la proportion n’est pas appropriée disparaissent» (Simplicius, Physique). Les centaures, ces créatures à tête d’homme et aux corps d’équidé n’ont-ils pas tous disparus? Qu’en sera-t-il de notre énorme colibri? Survivra-t-il à son créateur ou bien n’en viendra-t-il pas à disparaître sous l’effet de son propre poids? A cette question la nature et le temps seuls peuvent répondre.
Lui faisant face, une fleur gigantesque (ou bien est-ce l’Hydre de Lerne?) déroute, elle aussi, notre langage. Comment la décrire? Quel sens lui donner? De racines, elle n’en a pas et ses pétales, couleur d’ambre, ressemblent à de vieux gramophones. Si sa taille ne la destinait pas à parer le corps d’un Titan, peut-être aurait-elle pu passer pour la réplique d’un bijou.
Mais encore une fois, les cadres de notre discours nous égarent et nous masquent l’intention de son auteur : Wilfrid Almendra est l’arrière petit-fils des futuriste italiens – la passion de la guerre en moins. Son imaginaire, bercé de vitesse et de machines à pistons, s’élance par dessus la nature pour y exécuter ses figures d’acrobate.
Les monstres n’ont d’existence que pour celui qui croit en la prégnance d’une norme. Passé cette limite, tout est monstrueux et rien ne l’est. Dans l’imaginaire de Wilfrid Almendra, les fleurs s’envolent et les colibris restent fixés au sol. Qu’il m’excuse donc d’avoir tenté de regarder ses œuvres comme on regarde la nature.
Wilfrid Almendra
— 5.1., 2008. Bois, aluminium, acier, plomb, lasure. 220 cm x 250 cm x 195 cm
— Le Flamboyant, 2008. Bois, fonte d’aluminium, acier, cuir, silicone, vernis, clark, peinture, feutre. 200 cm x 160 cm x 95
— She’s Electric (Red #1), 2008. Bois, céramique, feutre, sérigraphie, téflon. 93 cm x 28,5 cm x 87,5 cm
— She’s Electric (Red #2), 2008. Bois, céramique, feutre, sérigraphie, téflon. 93 cm x 28,5 cm x 87,5 cm
— She’s Electric (Orange), 2008. Bois, céramique, feutre, sérigraphie, téflon. 93 cm x 28,5 cm x 87,5 cm
— Youga, 2008. Acier galvanisé, résine, peinture. 67 cm x 45 cm x 18 cm
— Superman, 2008. Acrylique sur mur. Dimensions variables.
— Cuts Across the Land, 2008. Plumes de paon, encre sur papier. 65,4 x 78,4 cm