On ne visite pas cette exposition, on la traverse. Une déambulation effectuée sans cartel, comme un voyage sans carte. De possibles découvertes de paysages inconnus, des occasions de se perdre aussi.
Cultural Memories/Récits parallèles affiche clairement des ambitions muséales. Dans la gestion des espaces, dans l’accrochage, dans le discours. La mise en confrontation des pièces entre elles, les enjeux qui se dessinent autour de la mémoire et de la petite — vs grande — histoire, l’élaboration d’une réflexion générique sur le statut de l’image, de son apport et de son influence dans la construction sociale, sont des indices clairs de la volonté du commissaire invité de dépasser la simple exposition de galerie et de broder, à son tour, un récit silencieux.
Sept artistes, six nationalités, pour autant de discours singuliers. Évidemment. Et pourtant, un même mode de traitement froid et quasi objectif par rapport aux événements. Quelques vidéos, beaucoup de photographies et impressions, forment un paradoxe entre le rendu global de l’exposition et sa volonté affichée. Les œuvres, pour la plupart, induisent une distanciation envers le spectateur et ne se laissent pas appréhender comme le dialogue inter-culturel et inter-historique qu’elles sont supposées amener.
Est-ce ainsi la mise en lumière de l’incompatibilité et de l’incompréhension endogènes à nos sociétés occidentales? Ce serait faire jouer aux œuvres un rôle contre-nature (la subversion des images?).
On reste plutôt confronté à une barrière, tant esthétique que conceptuelle, face à laquelle les œuvres se mélangent, se confondent, et altèrent notre mémoire, collective et individuelle. Les récits, bien que parallèles, s’entrecroisent, et fondent l’intégralité de l’exposition dans une déclaration sans interprète.
Si les travaux sur la mémoire, l’archivage, la démultiplication et la superposition d’Inaki Bonillas et David Maljkovic émergent de ce flot d’images, c’est surtout l’œuvre de Lisa Oppenheim qui infiltre notre mémoire parallèle. A partir de photographies poinçonnées, rendues inutilisables, de Walker Evans (décidemment, une source d’inspiration pour la réappropriation après les œuvres de Sherrie Levine), elle invente, recrée, capture les morceaux manquants.
Elle multiplie parfois les propositions, s’amusant des impossibles, interrogeant la véracité de l’image (devenue couleur) dans une poésie intelligente et réflexive. Elle imagine des possibilités, nous donne à penser des récits, remémore des morceaux de nos passés, questionne le statut de l’image dans l’art et met l’accent sur la destruction patrimoniale, fondement de notre culture. Un résumé finalement de toutes les pistes ouvertes par l’exposition : et s’il avait suffit de lui faire une exposition personnelle ?
Liste des Å“uvres
— Lisa Oppenheim, Killed Negatives: After Walker Evans, 2007-2009. Impressions photographiques couleur et noir et blanc, cinq ensembles : trois diptyques, deux triptyques, environ 25,5 x 33 cm chaque.
— Inaki Bonillas, Sin tÃtulo (Observando la variedad) ; Sin tÃtulo (El Norte) ; Sin tÃtulo (Una tranquila mañana de domingo) ; Sin tÃtulo (22 de agosto) ; Sin tÃtulo (Camino de Cuernavaca) ; Sin tÃtulo (Esta era la más guapa) ; Sin tÃtulo (Paseo Reforma) ; Sin tÃtulo (España 1983) ; Sin tÃtulo (Mi oficina) ; Sin tÃtulo (Restos del Ciclón) ; Sin tÃtulo (Otra foto de la playa), série «Archivo J.R. Plaza», 2005 Onze d’un ensemble de vingt-huit impressions numériques sur papier coton, dimensions variables
— Hito Steyerl, November, 2004. DVD, 25’, anglais
— Jean-Baptiste Maitre, Une anthologie personnelle d’images médiatiques, 2007. Installation de sept photographies imprimées sur papier laser et pliées, cadre en bois, 86 x 100 cm, 74 x 95 cm, 62 x 86 cm, 124 x 95 cm, 84 x 82 cm, 145 x 95 cm et 74 x 95 cm.
— David Maljkovic, After the Fair, 2009. Série de neuf photographies, 22,5 x 30 cm chaque
— Florin Tudor & Mona Vatamanu, Ploaia (The Rain), 2005. Performance, vidéo : 3’42, dessins (21 x 29,7 cm chaque) et carnet sous vitrine