ART | CRITIQUE

Cristina Iglesias

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Une œuvre alchimique, inspirée de la littérature excentrique d’un Raymond Roussel ou d’un William Beckford, et faite de matériaux peu nobles convertis en pièces aux reflets mordorés, ou à la délicatesse des tapis d’Orient.

Depuis toujours la sculpture interroge l’espace, par les tensions qu’elle y introduit, ou qu’elle y résorbe. L’œuvre alchimique de Cristina Iglesias ne fait pas exception. Des matériaux peu nobles, transmutés en pièces aux reflets mordorés du cuivre, ou à la délicatesse des tapis d’Orient, ouvrent, dans l’espace clos de la galerie, des intérieurs secrets, et des échappées pleines de mystère.

Cette première exposition chez Marian Goodman est de plus placée sous le signe de la littérature excentrique d’un Raymond Roussel et d’un William Beckford. À première vue, outre l’évocation de l’Orient et de ses contes, ne subsiste de l’écriture de ces deux magiciens iconoclastes que le matériau élémentaire: l’alphabet.

Les lettres, en capitales bâton, parfois tronquées, servent en effet de motifs aux ajours des jalousies, dont le raffinement évoque le voir-sans-être-vu mauresque. Assemblées selon un plan tarabiscoté, elles forment deux pièces contiguës, insaisissables d’un seul point de vue.

Lettres, que l’on retrouve en ombres portées sur les parois d’espaces étranges, ouverts dans les murs de la galerie par de grandes sérigraphies sur cuivre. Ce sont des photographies de décors en carton d’emballage, vides de toute présence. La surface réfléchissante du cuivre jette un voile inquiet sur des couloirs aux issues incertaines.

Au sous-sol, ce sont des tapis volants en raphia qui, regroupés dans un plan oblique, accrochés par des filins à quelques mètres du sol, filent, immobiles, vers un conte des mille et une nuits. Les motifs tressés sont là encore les caractères de l’alphabet, au déchiffrage brouillé dans le contre-jour de l’éclairage zénithal.

Affleurent, dans ces pièces, une préciosité, un maniérisme séducteur, qui, curieusement, se dissipent dans les énigmes que proposent ces univers fabriqués, un peu comme les ciselures raffinées d’un conte oriental, ou l’inextricable complexité des rouages d’une machine rousselienne.

Cristina Iglesias
— Untitled (Jalousie VI), 2002. Bois, résine, poudre de cuivre. 680 x 550 x 260 cm.
—Untitled (Triptyque I), 2003. Sérigraphie sur cuivre. 250 x 300cm.
— Untitled (Polyptyque VIII), 2003. Sérigraphie sur cuivre. 250 x 500 cm.
— Untitled (Diptyque X), 2003. Sérigraphie sur cuivre. 250 x 200 cm.
— Untitled (Closet Vegetation Space I), 2003. Epoxy résine avec pigment. Dimensions variables.
— Untitled (Passage II), 2002. Raphia. 126 x 280 x 55 cm.

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