Crier sur les toits

Loin de l’espace restreint de la galerie, Jordi Colomer et les étudiants du Master «Métiers et arts de l’exposition» de l’Université Rennes 2 ont conçu à la Galerie Art & Essai l’exposition «Crier sur les toits», où tout semble se jouer dans une projection mentale et littérale de cette expression.

Élaboré autour des grands immeubles rennais, ce projet né de la rencontre entre les étudiants et l’artiste espagnol est basé sur une volonté d’«activer» les toits-terrasses. Chacun a été convié à investir, le 7 avril, ces lieux ordinairement inaccessibles qui offrent pourtant des points de vue sur la ville, opérant ici comme panorama, comme prise de recul, mais aussi comme diffusion d’une parole.

L’invitation à venir «Crier sur les toits» a été lancée dans toute la ville par une campagne d’affichage. On la retrouve aussi dans la Galerie Art & Essai, qui a été pour l’occasion considérablement réduite en volume. Agencée comme une ruelle placardée d’affiches, elle est devenue un espace de discussion, où l’on peut débattre du projet autant que trouver des d’informations complémentaires à son sujet. Car l’invitation était en effet lacunaire, puisque les affiches ne précisaient qu’une date, le 7 avril, et une action, «Crier sur les toits».

Cette proposition manifeste toute l’ambigüité dont Jordi Colomer ne cesse de faire preuve dans son utilisation de la fiction. Car, même si l’évènement était à venir, des photographies montraient que l’action avait déjà été réalisée, mais dans un cadre plus restreint: des personnes sollicitées au sein de lieux culturels rennais, ou dans la rue, sont venues une première fois prêter leur voix à l’écho urbain, et leurs corps à l’objectif de Jordi Colomer.
Les photographies les montrent au plus fort de leurs clameurs. L’invitation du 7 avril visait à reproduire la performance, mais à plus grande échelle et sans les directives de l’artiste.

L’intérêt de cette performance collective était moins la présence effective d’une foule sur les toits que le bruit qu’elle a généré. «Crier sur les toits» est un «bruit qui court» plus qu’une rencontre effective. La performance réside principalement dans la projection mentale et littérale de l’action de crier sur les toits.
L’activation de ces lieux inhabituellement fréquentés se situe autant dans les rumeurs générées par l’invitation que dans l’utilisation réelle des toits comme des mégaphones à l’échelle de la ville.

A l’échelle de la ville et de ses habitants, l’évènement a ouvert un immense potentiel: celui de pouvoir «vider son sac», et de braver les interdits.

— Jordi Colomer, Affiches, 2011. 24 affiches noir et blanc, impression offset. 120 x 80 cm chacune.
— Yann Rondeau, Affiche, 2011. Affiche couleur, impression offset. 120 x 80 cm.

Publications :
— José-Luis Barrios (et al.), Fuegogratis, Cherbourg : Le Point du jour, 2008.
William Jeffett, Eduardo Mendoza, Jordi Colomer in cat. Arabians Stars, Floride, Salvador Dali Museum / Madrid, Museo Nacional Centro de arte Reina Sofia, 2005.
— Juliette Soulez, «Jordi Colomer, architecte-vidéo», Archistorm, n°34, décembre 2008-janvier 2009.
— François Aubart, «La scénographie de la vie quotidienne», 02, n°48, hiver 2008, p. 20-23.