Jonathan MEESE — né le 23 janvier 1970 à Tokyo (Japon). Vit et travaille à Berlin (Allemagne).
Jonathan Meese est un artiste contemporain allemand dont le travail inclut peinture, sculpture, installation, performance, collage, vidéo, théâtre, danse… Arborant barbe et cheveux longs, entre death metal et hipster urbain, Jonathan Meese se met constamment en scène. En train, par exemple, de faire un quasi-salut nazi, devant ses peintures. Un geste (interdit par la loi allemande) qui pourrait tout autant indiquer la hauteur d’une personne assez petite, par rapport à lui. Avec un humour féroce, souvent vêtu d’un jogging Adidas, Jonathan Meese reprend et détourne l’imagerie populaire (mondiale) associée au nazisme. Faisant, par exemple, grand usage de la Croix de fer et de la typographie Fraktur (ou gothique). Pourtant interdite par les nationaux-socialistes en 1940, car décrétée « écriture des Juifs », la Fraktur reste souvent associée, dans l’imaginaire, au nazisme. En elle-même, la peinture de Jonathan Meese, ample, vive, colorée, expressive, fait autant écho à Jean-Michel Basquiat qu’à Georg Baselitz. Actuellement, son travail est représenté par la Galerie Daniel Templon (Paris, Bruxelles), notamment.
Jonathan Meese : l’épiphanie artistique et la conversion à la peinture sur le chemin de Hambourg
Jonathan Meese est né au Japon, d’une mère allemande et d’un père britannique. Au milieu des années 1970, ses parents se séparent. Sa mère (Brigitte Meese, très présente dans son Å“uvre) s’installe, avec ses enfants, à Hambourg, tandis que son père reste au Japon, jusqu’à son décès en 1988. À son arrivée à Hambourg, Jonathan Meese ne parle qu’anglais. Il rencontre des difficultés de socialisation et développe un mode de communication autistique. À propos de lui-même, il dit qu’à l’âge de 22 ans il était perçu (par les autres et par lui-même) comme une personne de 14 ans. Cultivant les mythologies personnelles, son 22e anniversaire marque l’épiphanie picturale. Il étudie ensuite à la Hochschule für bildende Künste de Hambourg (1995-1998). Avec beaucoup d’humour, son Å“uvre explore les mécanismes des cultes de la personnalité (Richard Wagner, Adolf Hitler…), la fabrication des héros et des mythes fondateurs.
La dictature de l’art [Diktatur der Kunst] et l’improbable morphing entre Jean-Michel Basquiat et Adolf Hitler
Jonathan Meese n’est pas le premier artiste à sculpter son mythe. Joseph Beuys a excellé en ce domaine. Mais l’intensité du travail de Jonathan Meese (sa peinture, sa personne) est traversée par une réflexion critique. Le pouvoir d’attraction, médusant, qu’exercent Jonathan Meese et son Å“uvre tient en partie aux doutes qu’ils éveillent. Maladie mentale ou jeu d’acteur ? Lorsque ses Å“uvres affichent ostensiblement une fascination pour les symboles quasi-nazis : ironie critique ou premier degré ? Lorsqu’il déclare être contre l’esprit de 1968, par respect pour la place hiérarchique des parents : provocation, ou goût de la tradition ? En jouant de sa personne, en jouant sur les symboles litigieux, en cultivant les ambiguïtés, l’Å“uvre de Jonathan Meese déborde largement la peinture. Avec un charisme souriant, entier, Jonathan Meese, en tant qu’Å“uvre, transgresse les tabous culturels. Quitte à incarner un mythe totalement surréaliste : celui d’un Adolf Hitler qui aurait réussi à devenir artiste. Mythe d’autant plus surréaliste qu’il a été fabriqué de toute pièce par le dictateur lui-même, précurseur dans l’autofiction.