Une cosmogonie est une théorie par laquelle on tente d’expliquer l’origine du monde et l’évolution de l’univers — en grec, kosmos signifie «monde», et gonos, création. Les cosmogonies vont des sciences contemporaines, aux philosophes antiques, jusqu’aux récits populaires. Un spectre large qui se retrouve dans l’exposition où cohabitent des conceptions scientifiques rationnelles et des visions subjectives fondées sur l’imaginaire.
Dans l’installation Constellations, très blanche, l’artiste coréenne Soyoung Chung a superposé des plaques de verre sur lesquelles sont gravés des motifs géométriques, et placée une source lumineuse qui produit une myriade d’étoiles.
Nourrie de références scientifiques et fascinée par les phénomènes naturels, l’artiste cherche à concevoir des paysages imaginaires, à créer des états de flottement poétiques. Comme des cristaux de neige des fragments se forment pour composer un paysage éphémère.
On retrouve la même blancheur dans sa sculpture Snow Ball sous la forme d’une sphère incomplète constituée de cristaux de sucre qui se reflètent dans trois miroirs perpendiculaires en constituant une sphère qui rappelle une boule de neige.
Quant à ses aquarelles, elles se composent de petits objets géométriques déformés par d’étranges protubérances.
L’installation de Vidya Gastaldon et Jean-Michel Wicker est constituée de coussins de mousse, d’objets en matières textiles et de tissus brodés de motifs végétaux et animaliers. Ce paysage quasi organique et ce mini bestiaire textile, baignés de couleurs claires et douces, sont comme un espace intérieur.
Plus loin, Vidya Gastaldon a disposé des sculptures en laine colorée qui évoquent des micro-organismes ou des structures cellulaires, une vie en perpétuelle mutation.
Plusieurs séries d’images d’Isabelle Arthuis — des photographies en grand format de nuages et une côte accidentée uniformisées par un filtre rouge —proposent une appréhension philosophique du monde.
Sa série Meta Ta Phusika, prise au Brésil, est composée de vues urbaines dont certaines évoquent des paysages cosmiques. A partir de l’abstraction brésilienne qu’elle qualifie d’«état de conscience de la modernité», Isabelle Arthuis fait dialoguer le noir et le blanc, les positifs et les négatifs, les gros plans et les vues lointaines. Ses images très graphiques et presque abstraites «mettent à jour des contrastes forts et incisifs, à l’échelle du paysage, du peuple et de la culture brésiliens».
Géographe de formation, Julien Discrit considère les sciences comme une «source inépuisable d’inspiration», car elles ouvrent le champ des possibles, proposent de nouvelles représentations, et renouvellent l’imaginaire. Dans le cadre de sa résidence à La Galerie, il présente trois œuvres qui proposent une approche du monde à partir de la cartographie et la question des échelles.
Sur une stèle en résine, Inframince figure un massif montagneux réalisé à partir d’une carte de l’IGN.
La photographie Sans titre, qui pourrait être celle d’une étoile, d’un satellite ou d’un trou noir, se révèle en fait être une vue du grand escalier de Chambord prise en contre-plongée, où les pierres sont nimbées d’un halo diffus comparable à celui d’une éclipse.
Enfin, son Escalier sans fin, l’une des pièces maîtresses de l’exposition, occupe toute la hauteur de la pièce, tournant imperceptiblement sur lui-même. Le miroir rond qui lui sert de socle, comme en écho à ceux de la Snow Ball de Soyoung Chung, démultiplie la perspective. L’escalier, dont la forme symbolise la double hélice de l’ADN, renvoie à l’infiniment petit comme à l’infini.
La complexité du monde et des structures du cosmos est également mise en scène par Attila Csörgö. Passionné par la perspective et les traités de géométrie, cet artiste hongrois conçoit des automates à partir d’objets quotidiens.
Présentée dans le noir, la sculpture Spherical Vortex, composée d’une ampoule électrique placée à l’extrémité d’une tige actionnée par un moteur, crée des tracés lumineux par persistance rétinienne. Quatre photographies de spectres l’accompagnent.
The Maelström Project, inspirée par une nouvelle d’Edgar Allan Poe, se compose d’un récipient en aluminium contenant de l’huile de vidange. Un mouvement rotatif produit par un moteur incurve la surface du liquide opaque qui évoque alors un trou noir dans lequel le reflet de l’espace environnant s’inverse puis sombre.
Sans titre (1 tétraèdre + 1 cube + 1 octaèdre = 1 dodécaèdre), est une installation faite de matériaux simples, de poulies et de divers petits objets d’outillage. Des tiges de bois actionnées par un système mécanique complexe, font et défont dans un mouvement lent et régulier des volumes géométriques jusqu’à former un seul grand dodécaèdre. L’installation reconstitue ainsi la morphogenèse pour aboutir à ce qui pourrait être, selon certains scientifiques, l’image de l’univers.
En observant le réel, les Cosmogonies transportent le visiteur d’une échelle à l’autre et tentent de donner forme à l’infini. Le pari est réussi.
English translation : Rose Marie Barrientos
Traducciòn española : Maïté Diaz Gonzales
Soyoung Chung
— Snow Ball, 2006. Cristaux de sucre, miroirs. 30 x 30 x 30 cm.
Vidya Gastaldon
— Rhysomes Symbiotes, 2001. Laines tricotées et fils de fer. Dimensions variables.
Attila Csörgö
— The Maelström Project, 1995. Moteur électrique, huile de moteur, seau en aluminium. 57 x 57 x 60 cm.
— Sans titre (1 tétraèdre + 1 cube + 1 octaèdre = 1 dodécaèdre), 2000. Batônnets de bois, fils, cadre métallique, moteur électrique. H : 180 cm x L : 110 cm x P : 80 cm.
Julien Discrit
— Sans titre, 2005. Caisson lumineux. 150 x 100 cm.
Isabelle Arthuis
— Meta Ta Phusika, 2004. Série de 24 photographies noir et blanc. 59 x 73,5 cm chacune.