A l’occasion du «Festival de Marseille», Bouchra Ouizguen présente Corbeaux, une pièce pour treize danseuses créée en 2014, trouvant son origine dans les chants traditionnels et ritualisés de la région de Marrakech.
Corbeaux : chants et danse
Titre d’un spectacle peut-être étrange, Corbeaux se dit en arabe ghourab, mot qui traduit en français, remarque Bouchra Ouizguen, «donne corps beaux». Ce titre, compris sous la forme d’un jeu de mots, condense certainement l’intention de cette dernière. Corbeaux emprunte à la fois à la littérature perse des neuvième et douzième siècles et aux rituels dansés et chantés des tribus marocaines Issawa et Hmadcha proches de Marrakech. Bouchra Ouizguen se souvient ainsi de ces rituels d’enfance célébrant la naissance du prophète jusqu’à la transe. Rythmés par la musique et les battements cadencés des mains, ces rituels font entendre la scansion ininterrompue du nom de Dieu, jusqu’à ce que les danseurs se taisent et se retirent, épuisés. Corbeaux rassemble autour de Bouchra Ouizguen un groupe de femmes, artistes, musiciennes, et danseuses d’âges et de morphologies différents.
Corbeaux : l’individualité en commun
Une à une, elles se présentent silencieuses sur scène, toutes uniformément vêtues de leurs robes noires et de leurs fichus blancs enveloppant leurs têtes. Regroupées dans un premier, temps, elles se dispersent pour occuper la totalité de l’espace disponible, se faisant face, ou dos à dos. Ainsi disposées, elles commencent alors à chanter. Un chant qui accompagne un geste unique mais commun à toutes puisque ces femmes se vers l’avant en un mouvement continu. Si le même geste est fait, il l’est de manière propre, singulière. Certaines utilisent tout leurs corps, d’autres la tête, d’autres encore leurs épaules.
Bouchra Ouizguen semble être retenue à la fois par le travail de groupe et l’affirmation des individualités de chacune de ces femmes. Ainsi peut-elle remarquer : «Ce qui est intéressant, c’est de développer un langage de travail chanté et dansé qui n’enferme pas, qui n’encadre pas, mais qui puisse permettre de déployer toute la complexité, toute la beauté de chacune, et tout ce qui peut émouvoir.»