Gabor Ösz est un photographe hongrois présent cet automne à la galerie Loevenbruck ainsi que dans le programme du « Mois de la photo ». A la galerie, les œuvres, pour la plupart très récentes, sont réunies sous le titre de « Constructed View », qui est une manière de définir la photographie : le résultat d’une vue construite par le photographe, c’est-à -dire d’un choix subjectif, d’une impression parcellaire du réel. Le terme de construction suppose une minutieuse élaboration, un travail attentif.
Gabor Ösz prend en photo des espaces bâtis: bâtiments, serres, pièces, c’est-à -dire en fait des constructions, des endroits d’où l’on peut observer l’extérieur, mais uniquement par certains orifices — fenêtres, trous, vitres, etc. Nous n’avons ainsi, de l’intérieur, qu’une vue partielle et fragmentaire de l’extérieur. De même, ces constructions, de l’extérieur, peuvent être appréhendées comme des parties d’un paysage, d’une vue construite dans le sens où elle incorpore des éléments bâtis.
Ce jeu avec la construction — construction de la vue de l’intérieur et de l’extérieur — est propice à une élaboration d’images, à une interrogation sur la photographie. En effet, la technique photographique de Gabor Ösz est celle de la camera obscura (ou chambre noire), technique traditionnelle qui remonte aux débuts de l’histoire de la photographie. Le principe de la camera obscura peut se résumer ainsi : une boite percée d’un petit trou va recevoir sur sa paroi intérieure une partie de la lumière réfléchie par les objets et en former une image inversée. L’image sera de faible définition, ce qui donne aux photos de Gabor Ösz, cet aspect un peu flou et évanescent.
Cette technique s’inscrit dans une réflexion d’ensemble de l’artiste sur l’architecture. Selon lui, à l’intérieur d’un bâtiment, d’une construction, on s’aperçoit que la lumière est filtrée par les fenêtres ou les autres ouvertures : « Dans un espace obscurci, note-t-il, la lumière peut pénétrer même par un trou fortuit et l’image assombrie du monde extérieur sera projetée sur le mur ; c’est le principe de la camera obscura » (Prora Project, 2003). Gabor Ösz utilise cette technique pour rendre compte, par le travail photographique, de nos visions quotidiennes, de notre façon de capturer le réel sans nous en rendre compte.
De ce travail minutieux et souvent très long (les temps d’exposition peuvent atteindre plusieurs heures) résultent des œuvres à la limite de l’étrange et du fantomatique, des endroits devenus quasi inhabitables car ne ressemblant plus à des lieux mais à des impressions colorées, comme si, ayant regardé trop longtemps le soleil, une tache s’était imprimée sur la pupille.
Ces photographies, parfois à la limite de l’abstraction, font penser à des tableaux par leur texture et leurs couleurs. Loin de n’être que de simples vues, les œuvres composant «Constructed View» sont des visions, mais des visions qui seraient celles d’un architecte du regard.
Gabor Ösz :
— Constructed View (Concrete Wall), 2004. Collage, photo et pastel.42 x 86 cm.
— # 5 Constructed View, 2004. Cibachrome, camera-obscura, contrecollage sur aluminium. 303 x 105 cm.
— # 3 Constructed View, 2004, Cibachrome, camera-obscura, contrecollage sur aluminium. 233 x 105 cm.
— # 10 Constructed View, 2004 Cibachrome, camera-obscura, contrecollage sur aluminium. 204 x 105 cm.
— Traveling Landscapes, 2002. Cibachrome mat, camera obscura. 127 X 127cm.
— Traveling Landscapes, 2004. Cibachrome mat, camera obscura. 127 x 125,7 cm.
— Traveling Landscapes, 2004. Cibachrome mat, camera obscura.127 x 130 cm.
— Traveling Landscapes, 2004. Cibachrome mat, camera obscura .127 x 127,5 cm.
— Traveling Landscapes in Loop, 2004. Video couleur, son. 28’.
— N°6. Prora Project, 2002. Camera obscura, cibachrome. 130 x 126,8 cm.
— N°7 Wissant , 1999. Cibachrome, Camera Obscura.
— Prora in Loop, 2004. Video couleur, son. 23’
— N°9 Permanent Daylight , 2004. Camera obscura, cibachrome, contrecollage sur plexiglas. 2 x 127 x 152 cm.