Il est de plus en plus rare de voir de la peinture à Paris. Il est encore plus difficile de prendre du plaisir face à une toile. Jugement trop rapide? Trop expéditif? Sans doute. Mais en s’arrêtant sur le travail du jeune artiste américain Hernan Bas, on se prend à penser que l’art noble est toujours à sa place et qu’elle tient son rang.
Elle est à la fois fougueuse et enthousiaste. Sa surface est attaquée, fouettée, tout en étant complètement saturée. Il y a de l’énergie et une intelligence du geste. Les deux se combinent dans des grands formats aux couleurs électriques et stridentes. Le son est strident, le vacarme visuel est assourdissant. Derrière ce tumulte se cache un art de la composition. La spontanéité n’est pas cadrée ni dirigée mais savamment mise à la disposition du peintre. Il l’utilise dans un schéma plus général.
Cette veine était déjà décelable chez les artistes made in Floride de la galerie. Sans tabous ni complexes, des jeunes de gens de vingt à trente ans se lancent avec passion dans un territoire qui fait peur en France. Avec enthousiasme ils prennent à bras le corps ce médium, prolongent la tradition de leurs pairs et ouvrent un nouveau chemin dans leur style. La fougue et la jeunesse sont au rendez-vous, et les promesses ne sont pas loin d’égaler les tentatives actuelles.
Pour le passé on peut évoquer Kirchner et son primitivisme, mais aussi l’Ecole de New York pour toute la gestualité convoquée. Les Américains sont fascinants. En économie comme en art, ils se lancent dans la bataille sans calculs. Il n’y a pas de demi mesure. Dans les deux cas, c’est franc, c’est net. Face à ce savoir-faire on ne peut que s’incliner.
Pour le présent il faut aller du côté de la thématique. Les œuvres de Herman Bas oscillent entre l’autoportrait et le paysage. L’un reflétant l’autre, et inversement. Si le film Mad Max soldait la peur du conflit nucléaire, d’un après pétrole, l’univers de Considering Henry clame l’Apocalypse écologique. Cette conscience d’une planète vulnérable est autant alimentée par les films catastrophes que par l’actualité la plus brûlante. C’est Al Gore versus Claude Allègre, Total contre Nicolas Hulot.
Le sublime du XXIe siècle n’est plus celui du XIXe. Les volcans, les tempêtes, les naufrages, les expéditions dans les Alpes laissent place à un chaos végétal. La bulbe se relève mais l’homme n’a plus qu’à se pendre dans un arbre dévasté. L’entropie est la plus forte au détriment de l’homme. La mélancolie romanesque se mêle à une nature dégradée mais survivante.
Le bilan carbone semble être du côté de Hernan Bas. Vigie pertinente il renouvelle les codes du genre et propose un art décomplexé et neuf. Les peaux de ses toiles forment de véritables patchworks. Les plans se mêlent, s’entrechoquent dans un bruit de verre cassé. Le résultat est irisé comme un pare-brise étoilé. L’énergie se transforme en éclat. Avec style et fougue Considering Henry place l’artiste de Miami dans une constellation lumineuse et abyssale.
Liste des œuvres
— Hernan Bas, Wash up (cave of enlightenment), 2009. Acrylique, aérographe sur toile. 152,5 x 183 cm
— Hernan Bas, The Reader in the reservoir, 2009. Acrylique, aérographe sur toile. 122 x 152,5 cm
— Hernan Bas, Don’t tell it on the Mountain, 2009. Acrylique et aérographe sur toile. 213 x 183 cm
— Hernan Bas, In the Color Field, 2009. Acrylique, aérographe et feuilles d’or sur toile. 244 x 182 cm
— Hernan Bas, The Thought flow (cabin at Walden), 2009. Acrylique, aérographe sur toile. 213 x 183 cm
— Hernan Bas, The Signalmen, 2009. Acrylique, aérographe sur toile. 244 x 183cm
— Hernan Bas, The landmark (or the laser point), 2009, Acrylique, aérographe sur toile. 122 x 152,5 cm
— Hernan Bas, The Boy Who Fell for the Fall, 2009, Acrylique et aérographe sur toile. 152,5 x 183 cm
— Hernan Bas, At the roof of his thinking (or The pink blossom), 2009, Acrylique sur toile. 213 x 183 cm
— Hernan Bas, The Lay of the Land, 2009. Acrylique et aérographe sur toile. 122 x 152,5 cm
— Hernan Bas, The dragon’s eyes, 2009. Acrylique, aérographe sur toile. 213 x 183 cm
— Hernan Bas, I do belive you’re blushing, 2009. Acrylique sur toile. 35,5 x 28 cm
— Hernan Bas, Violets are gone, 2009. Acrylique sur toile. 35,5 x 28 cm