Présentation
Rédactrice en chef : Jeanne Fouchet
Connaissance des Arts Photo n°12
«Le privé au service de la photo». Editorial de Guy Boyer et Jeanne Fouchet
«La première se penche en avant, laissant paraître la mystérieuse opalescence de sa poitrine. Affublée d’une aigrette très Second Empire, c’est l’espionne hollandaise Mata Hari, célèbre interprète de danses indonésiennes et de messages secrets. La deuxième lève la jambe, la troisième se drape dans un manteau signé Paul Poiret… Au gré des quelque trois mille clichés photographiques du Fonds Talbot, on croise les élégantes de la Belle Époque, comédiennes, modèles ou personnalités qui se firent portraiturer dans le studio parisien logé au 25 de la rue Royale. Ce Fonds Talbot a été récemment acquis par la Maison Hennessy qui, lors de la célébration du centenaire de Kilian Hennessy, a offert au musée des Arts décoratifs à Paris ces photographies réalisées entre 1898 et 1914. «Témoins d’une époque qui croyait dur comme le fer de la Tour Eiffel à la beauté du siècle», ces clichés complètent formidablement bien les trésors de l’Union centrale des Arts décoratifs mais n’auraient jamais pu entrer dans cette collection sans l’aide d’un mécène privé.
Au vu des résultats faramineux atteints par la photographie, les acquisitions des institutions, de moins en moins dotées pour leurs achats, deviennent de plus en plus complexes. Tout comme le montage d’expositions qui demande davantage de moyens. C’est pourquoi les musées rivalisent d’ingéniosité pour séduire banques et entreprises. Si Neuflize Vie s’est associée de longue date au Jeu de Paume, elle a été rejointe par la manufacture Jaeger LeCoultre. De Thomas Ruff à Valérie Belin, la Société générale expose depuis trois ans ses acquisitions dans nombre de musées de province ou de l’étranger à l’instar de la Fondation HSBC qui exporte désormais ses lauréats hors de l’hexagone. Pour ses rétrospectives Giacomelli ou Atget, la Bibliothèque nationale de France bénéficie du soutien du champagne Louis Roederer. Sociétés internationales (Alcatel, FNAC, Hewlett-Packard… ) ou directement liées à l’image (Olympus France, SFR, Dupon, Leica, Nokia, Fuji… ) sont aujourd’hui nécessaires aux grands festivals dont les budgets ne s’équilibrent que difficilement. D’ailleurs, «pour Arles, la part du mécénat représente 45% du budget global», souligne François Hébel, le directeur des Rencontres de la photo, ravi d’avoir fait venir Air France et Hermès cette année en plus de ses mécènes réguliers. Face à un État souvent frileux et pingre, on assiste donc peu à peu à un véritable sauvetage de la photographie par le privé.»