ART | EXPO

Conjecture

28 Mar - 11 Mai 2013
Vernissage le 28 Mar 2013

Dans le cadre de son programme hors-les-murs à In extenso, La Station a choisi d’exposer deux de ses artistes résidents, Vivien Roubaud et Tatiana Wolska. Ils produiront in situ une œuvre inédite en confrontant leurs process et leurs esthétiques à partir de l’idée de «fonctionnement».

Vivien Roubaud, Tatiana Wolska
Conjecture

Vivien Roubaud et Tatiana Wolska ont pris le parti de créer, plutôt qu’une œuvre, une conjecture. Hypothèse formulée sur l’exactitude ou l’inexactitude d’une proposition qui attend sa vérification par l’expérience. La forme de cette œuvre restera incertaine.

Partant du principe que leurs pratiques peuvent entrer en résonance, ils tenteront de confronter leurs process et leurs esthétiques de manière à créer une entité nouvelle, née de l’hybridation fragmentaire de certaines œuvres déjà existantes. Sorte de laboratoire, Conjecture est la conséquence d’une suite d’essais, de tests et d’épreuves. De l’hypothèse de départ portée sur un fonctionnement, il en résultera une forme que les artistes feront progresser.

Ayant des ateliers mitoyens à la Station, ces artistes ont mis en place au fil du temps un processus dans lequel leurs compétences se mettent au service de leurs pratiques réciproques. Conjecture n’existera donc qu’en tant que résultat de ce dialogue et non pas en tant que forme finie, définitive: dans des conditions différentes, dans un temps et un lieu différent, son exploration pourrait être autre.

Vivien Roubaud
se définit lui-même comme un «bricoleur généraliste»: il sélectionne et prélève des produits mis au rebut, puis les répare, les combine, les hybride, de manière à obtenir des machines «a-productives», mais qui pourtant s’animent encore grâce aux protocoles techniques qui ont permis leur création.

La dysfonction est ici force créative, les technologies sont déconstruites pour devenir techné, média: des pièces issues de frigidaires et de climatiseurs produisent une sculpture de glace; une imprimante démembrée trace sur le sol, déconstruit la mise en page, change ses référentiels; un fil électrique fou, dansant dans l’espace, anime un tas de néons d’enseignes … Des œuvres frénétiques, qui trouvent leur «équilibre dans la catastrophe».

«Il est injuste que les briquets puissent servir à décapsuler les bouteilles de bière alors que les décapsuleurs ne pourront jamais allumer de cigarettes»
Le klub des loosers

Vivien Roubaud observe, sonde, tergiverse, comprend les résidus de notre ère industrielle, et c’est exactement les manques ou les failles de ces fragments conquis qui mettent en éveil l’imaginaire fourmillant et désaxé de cet artiste du possible.

Vivien Roubaud sculpte et agence comme un funambule sur le fil de la technique, cette dernière bien émancipée de son caractère fonctionnel.
Les sculptures révèlent autant d’humour que de cohérence au monde dans lequel elles s’animent. Vivien redonne vie aux objets délaissés du flux de nos sociétés de consommation. La poétique de sa pratique ne tient pas seulement aux extraordinaires couplages qu’il fabrique, mais à la puissance de la vie incarnée dans des objets en proie à leurs extinctions définitives.

Il prive de leur superbe ces Phœnix, et tout boitillants qu’ils soient, ils restent des êtres en mouvements, engagés dans la danse macabre de notre siècle. L’œuvre, toujours en devenir, saisit une occurrence et s’établit dans le fait de n’être qu’une circonstance. Vivien Roubaud développe une forme novatrice et frénétique de monstration sans prescription.

Au commencement du travail de Tatiana Wolska, il y a le geste. Répété inlassablement, il raisonne selon la logique propre des matériaux qu’il rencontre. Pour résultat, une pratique protéiforme, dans laquelle dessins et sculptures dialoguent et créent un univers atypique rempli de formes mutantes, de paysages, ou de toute autre figure que l’artiste et le spectateur voudront invoquer.

On y retrouve toujours une simplicité dans le geste choisi (tracer une ligne, souffler sur de l’encre, assembler, compacter) ainsi qu’une économie de moyens dans le choix des matériaux. Tatiana Wolska recycle principalement des rebus: bouteilles de plastique vides, chutes de bois et de mousse, vieux clous, mobilier abandonné….

Née en 1977 en Pologne, elle explique ce choix non pas par souci écologique, mais par des habitudes prises durant son enfance, époque à laquelle le «système D» et la récupération étaient les mots d’ordre de sa survie.Tatiana Wolska passe un temps long et patient à construire ses œuvres: ses gestes sont précis, méticuleux et nombreux. Ce temps autarcique produit des œuvres habitées, qui rendent sensibles des processus souterrains et intimes.

Les œuvres de Tatiana Wolska présentent souvent un aspect organique: une table de chevet perd tout usage par l’envahissement de son plateau par une forme oblongue (Parasitage, 2008), des clous s’amassent sur des aimants et forment des essaims dorés (Sans titre, 2011), des rondins de bois, collés les uns aux autres, forment un serpent hérissé d’échardes se refermant sur lui-même (Sans titre, 2012), ou bien encore prolongent une branche d’arbre mort par des excroissances tortueuses (Tripode, 2012).

Via la métamorphose de ces objets ou rebus préexistants, Tatiana Wolska déplace le regard du spectateur pour l’amener dans le champ de l’imaginaire et de la fantaisie. Elle, est un artiste du faire, du sensible.

Dans sa pratique, le concept naît de la forme et non l’inverse: c’est l’agencement des matériaux qui donnent naissance à la pièce qui fera peut-être œuvre. En rejetant le concept comme ordre premier de la création, Tatiana Wolska se place en faux par rapport à certaines postures contemporaines: ici l’homo faber, l’homme qui fabrique, et l’homo ludens, l’homme qui joue, retrouvent leurs droits.

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