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Confessions / Portraits, vidéos

Dans deux petites cabines ouvertes sont projetées sur un écran à hauteur d’yeux les confessions vidéos d’anonymes dont le visage reste masqué, livrant leurs traumatismes les plus intimes tels que des actes violents, des abus sexuels, des viols, etc.

La réaction de certains visiteurs est assez évocatrice : à peine ont-ils écouté quelques mots qu’ils tournent aussitôt les talons. Et pour cause, l’artiste nous met dans une position pour le moins inconfortable : tout son dispositif tend à désigner le spectateur comme le confesseur (l’exposition s’intitule d’ailleurs «Confession»).
Gillian Wearing va jusqu’à recréer les conditions d’un confessionnal, par l’anonymat des sujets (le masque serait l’équivalent de la grille de séparation entre le confesseur et le confessé), et par la construction même des cabines, plongées dans l’obscurité et ne pouvant contenir qu’une seule personne à la fois.
Le plan fixe face la caméra est à ce titre redoutable : les visiteurs qui ne sont pas encore partis regardent souvent du coin de l’œil ou restent au seuil de la cabine, comme pour ne pas violer une intimité renforcée par l’exiguïté de la pièce.

La double ambiguïté de Trauma pose la question des limites : où commence l’art et où s’arrête le voyeurisme ? Pour apprécier l’œuvre, le spectateur doit devenir voyeur malgré lui (ce qui explique la fuite spontanée de certains), tout en ne l’étant pas entièrement, le masque installant une certaine distance entre le confessé et le confesseur. L’œuvre prend alors la forme d’une critique envers un voyeurisme banalisé, développé notamment par la télé-réalité et ses confessionnaux filmés, en usant des mêmes procédés formels : pièce recluse, cadre fixe, regard face caméra, etc.

Plus troublant encore, Gillian Wearing emprunte les codes du film d’horreur. En effet, les masques qu’elle fait porter à ses sujets s’apparentent à ceux portés par les stalkers, figures bien connues du genre horrifique, tels que Myers dans Halloween de Carpenter ou Jason dans Vendredi 13 de Cunningham. En cela, Wearing trouble la perception que l’on pourrait avoir de ces confessés qui, bien qu’étant présentés comme des victimes par leurs discours, ont tous les atours du coupable.

Cette série de portraits résonne avec l’exposition «La Fabrique du portrait. Rodin face à ses modèles» qui se tient également au Musée Rodin. La simultanéité n’a rien d’anodin, les deux expositions s’enrichissant mutuellement : tandis que Rodin tentait de donner corps et reliefs à une matière inerte — plâtre, argile, marbre, etc. — pour rendre ses modèles «vivants», «incarnés», Gillian Wearing inverse le processus en réduisant le vivant à l’impassibilité d’un masque, au degré zéro de l’expression du visage humain et rend la confession d’une froideur déconcertante. Les portraits de Wearing sont extrêmement intéressants sur le fond, encore faut-il dépasser la forme et le contenu. 

Gillian Wearing
Trauma, 2000. Vidéo couleur et son, 30 min. 2/5. Courtesy Maureen Paly, Londres.
Confess All on Video. Don’t Worry You Will Be in Disguise. Intrigued ? Call Gillian… (Dites tout à la caméra. Pas d’inquiétude, vous serez masqués. Intéressé ? Appelez Gillian…), 1994. Vidéo couleur et son, 30 min.
Secrets and Lies, 2009. Vidéo couleur et son.

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