Paul Valery ne s’y était pas trompé en liant les deux disciplines. Celui qui faisant de la danse une « poésie générale de l’action des êtres vivants » et de la métaphore poétique « une pirouette de l’esprit », ne s’attendait sûrement pas à ce qu’on le prendre à ce point aux mots !
En concrétisant cette possible relation entre l’écriture et le mouvement par la création d’un festival, Jean-François Munnier ne se contente pas d’exprimer son intérêt pour le poète (que l’on aime à supposer) mais offre les conditions d’une réinvention de l’acte de danser. Et ce, grâce à l’intervention d’un observateur extérieur, l’écrivain, chargé de retranscrire sur scène sa propre perception.
Car la collaboration entre les deux artistes est une véritable création commune. La présence physique de l’écrivain sur le plateau est vivement souhaitée si ce n’est éxigée, et les lectures performées, organisées dans les librairies en amont du festival, s’ouvrent à une corporéité nouvelle. Autre règle du jeu: le chorégraphe et l’écrivain ne doivent pas se connaître au préalable pour mieux se découvrir… Ici, l’altérité est un creuset fécond au lieu d’être un obstacle.
Du subtil duo Cornil/Lauzon à Mains d’oeuvres, où la question du chez-soi (Home) décline les différents corps et espaces de l’intime, en passant par le militantisme polémique des gens d’Uterpan à L’Echangeur, et l’écran-peau de Maria Donata D’Urso et de Sophie Loizeau au Centquatre, le festival 2010 propose une sélection exigeante et/ou ludique, mais toujours fidèle à son concept de départ: interroger le chorégraphe sur sa démarche de créateur et l’amener à une redéfinition de cette dernière. Ainsi la pièce de Sylvain Groud et de Maylis de Kerangal, Je suis descendu du plateau, pousse le danseur à dépasser ses limites familières, tout à la fois spatiales et symboliques, l’écrivain tentant ensuite par l’écriture de « faire acte de cette présence » changeante, de ce processus d’extériorisation.
Qu’est-ce que créer aujourd’hui? Quelle est la nécessité de l’acte artistique ? Telles sont les questions transversales posées depuis 2007 par le festival de Jean-François Munnier, que l’on a déjà hâte de retrouver l’année prochaine, avec la participation de la chorégraphe Olivia Grandville et une contamination aux autres régions françaises. En espérant que sa notoriété grandissante ne prive pas Concordan(s)e de cette spécificité qui lui est propre, mélange d’expérimentations joyeuses et d’intimes rencontres.
parisART sur Instagram