Guillaume Ambroise
Comme jamais!
Plutôt que de chercher à recréer une ambiance muséale dont le point d’orgue est le «chef-d’œuvre » entouré de peintures perçues comme secondaires, le parti pris de cet exposition est de faire découvrir des œuvres dégagées d’une accumulation qui souvent empêche de les apprécier.
Des œuvres d’artistes de grand renom, Véronèse, Frans Hals ou Odilon Redon côtoient, selon une égale visibilité, celles d’artistes moins célèbres, Giovanni Do, Benjamin West ou encore Claude Lagoutte. Épuré selon le principe du «less is more», cet exposition est aussi l’occasion de dévoiler, dans les meilleures conditions, les plus récentes acquisitions du musée ainsi que les œuvres nouvellement restaurées.
L’exposition ouvre sur une œuvre emblématique du propos de l’exposition, Un maître et son élève de Giovanni Do (1604-1656), élève, à Naples, de l’Espagnol José de Ribera. Dans cette allégorie de l’instruction, le maître présente à son jeune disciple un miroir devant lequel il lui demande de méditer. Derrière le miroir, sort de l’ombre une pile de livres dont l’un est resté ouvert. L’image de cet enfant cherchant une réponse devant (ou derrière) le miroir nous est apparue proche de celle de l’homme devant une peinture, l’esprit en quête d’une harmonie tant intellectuelle qu’esthétique.
C’est cet esprit en éveil que nous désirerions solliciter tout au long de ce parcours, par des propositions qui sont aussi pour nous mêmes des interrogations. Mais, comme le tableau de Giovanni Do le laisse supposer, offrir la possibilité d’un rapport intime entre l’œuvre et celui ou celle qui la regarde peut, paradoxalement, aboutir à l’effet inverse, désorienter faute d’un accompagnement, d’un récit sur l’histoire de l’œuvre ou sur le propos des organisateurs.
« (…) Les peintures ont besoin de beaux espaces, d’un recul suffisant et de lumière (…)» rappelle l’éditorialiste de la Revue de l’art. Pas de «pénombre dramatique» transformant les Å“uvres en apparitions, seulement un large espace, un éclairage zénithal, quelques touches lumineuses mais étales sur l’œuvre, sans effet sacralisant.
Cette bonne visibilité ne veut pas dire que l’œuvre s’explique elle-même à partir du moment où le spectateur se l’approprie. Comment comprendre la spécificité du portrait anglais du XVIIIe siècle si l’on ignore l’intérêt des Anglais pour la nature et ce qu’elle représente symboliquement dans l’accompagnement social du personnage? Comment comprendre Voyage en France, rouleau de 17 mètres de long peint par Claude Lagoutte (1935-1990) si l’on méconnaît ses longues marches solitaires qui font partie intégrante de son œuvre?