L’exposition est un parcours à travers une série de photographies de paysages, de forêts, de coins de jardin et de clochers d’églises. La caractéristique première de ces photos est l’absence de présence humaine : l’être humain a déserté son environnement avec sérénité, laissant des paysages paisibles et pacifiés.
D’emblée, on remarque que Elger Esser cherche à confronter le noir et blanc et la couleur. Il décline les photographies de sorte que, par exemple, le même cliché de forêt apparaît d’abord en couleur pour revenir, plus loin, en noir et blanc.
C’est comme si l’artiste cherchait à créer des variations — comme on parle de variation musicale — à partir d’un même thème. Sans doute est-ce ce qui le lie à Bernd et Hilla Becher, dont il a été l’élève à l’école de Düsseldorf. En effet, de même que les Becher font «varier» les images d’un même «thème» comme dans une fugue de Bach (le même haut fourneau décliné jusqu’à la folie…), Elger Esser nuance la banalité d’une image en la déclinant.
Afin d’aller encore plus loin que la simple opposition du noir et blanc et de la couleur, Elger Esser intègre dans la même photographie le noir et blanc et la couleur. Par un système de montage, il parvient, comme dans la photographie intitulée Combray Berville-sur-Mer, à utiliser le même cliché, l’un en noir et blanc présenté dans la partie supérieure du cadre de manière inversée, l’autre en couleur dans la partie inférieure. Il obtient ainsi une image hybride où le haut et le bas s’interpénètrent, où le noir et blanc et la couleur cohabitent.
L’image porte en elle la confrontation et l’union puisque finalement le paysage se recrée et s’enrichit de son double : les arbres s’étoffent et les clochers se multiplient créant des architectures inouïes.
A ce titre, il faut porter une attention toute particulière à l’accrochage. Dans la grande salle de la galerie Ropac, cinq grands formats noir et blanc / couleur sont accrochés en hauteur, tandis qu’ils sont ponctués par cinq photographies de plus petit format, uniquement en noir et blanc, placées entre eux. On obtient ainsi une sorte de damier visuel, de structure quasi mathématique permettant la résonance des formes, et créant un langage codé, peut-être celui de la mémoire. Telle serait la clé de cette exposition proustienne.
Elger Esser
— Combray (Berville-sur Mer), 2007. C-print & Diasec Face. 249 x 182 x cm
— Combray (Orbais-l’Abbaye) , 2007. C-print & Diasec Face. 229 x 182 cm
— Combray (Urville), 2007. C-print & Diasec Face. 249 x 182 cm
— Combray (Mittelbergheim). 2007. C-print & Diasec Face. 249 x 181 cm
— Combray (Dienville), 2007. C-print & Diasec Face. 249 x 181 cm