Des dizaines de compositions engagées pour sauver le design graphique de la simulation publicitaire… Les sujets sont économiques ou géopolitiques, de l’affichage sauvage aux magazines en passant par le téléchargement gratuit. Logos, drapeaux et portraits de leaders sont rejoués au moyen de l’outil numérique, remercié pour avoir donné la liberté aux graphistes d’inventer les termes de leur langage. Jonathan Barnbrook oppose au consumérisme une complexité qui empêche toute lecture unilatérale et souligne l’ambivalence des signes : une réversibilité tantôt ironique, tantôt positive.
A l’entrée, les pochettes et livrets d’un disque de David Bowie. Un jeu apparemment désintéressé, à base de visuels piochés dans une banque d’images comme autant d’icônes neutralisées. Nous sommes iconophages et il joue à être iconoclaste: le titre Heathen (païen) est à l’envers, les tableaux et les phrases raturés. Une énergie née du rejet.
Ses images regorgent de signes récurrents. Assortis d’une iconographie militaire, ils apparaissent comme des dangers à combattre : America’s Own Weapons of Mass Destruction façonne un méga-logo tentaculaire qui révèle une autre offensive, culturelle. Aussi les identités visuelles réalisées par le studio préfèrent-elles aux représentations monolithiques un panel d’outils visuels multiple, capable de se mouvoir avec l’entreprise.
Jonathan Barnbrook lutte contre toute pensée unique et vous offre une information plus signifiante. Au risque d’une ironie cinglante lorsqu’il montre les liens présumés entre entreprises et politiciens. Un code couleur pédagogique : les firmes en blanc, des mouches bleues pour la population et des insectes roses pour les politiques, autour d’un singe légendé Bush. Hormis le sarcasme d’un écosystème raconté aux enfants, la composition dénonce un fonctionnement trop centralisé.
Parfois aussi, un logo ou une figure d’une grande clarté, contaminés par un autre signe ou hybridé à un autre personnage. Des monstres écoeurants, riantes bizarreries qui exhibent certaines associations. Ainsi le visage du dictateur coréen Kim Jong-il en place du Colonel Sanders sur le logo des fast-foods devenu KJI. Et le drapeau d’Israël changé en U.S.Rael quand son étoile est remplacée par le plan du Pentagone.
Mais cette réversibilité est plus souvent traduite par des énigmes. D’humeur cynique, il utilise la figure de la carte à jouer. Bush et Ben Laden tête-bêche (You Can’t Bomb An Idea). Ou bien une pompe à essence qui vise une cible, elle-même symétriquement pointée par une arme (Is Economic Progress Killing the Planet ?). Perdre le regardeur pour le forcer à la lecture.
C’est ce désir de concentration qu’il cherche à obtenir en imitant les mandalas tibétains. Avec le magazine canadien Adbusters, « journal de l’environnement mental », il travaille à une décentralisation de l’information.
D’où l’importance des flèches dans son travail. L’une d’elles transforme le schéma de l’évolution, l’Homme enfin redressé braquant sur son espèce une arme à feu. Une autre, cyclique, dessine une roue aux axes incarnés par quatre soldats israéliens et palestiniens, actionnée du fait qu’ils pointent chacun une arme sur l’autre (Violence is a Cycle, 2004).
Mais son étonnante cartographie réveille notre optimisme. Zoom sur la Corée : sa frontière interne est prolongée par celle qui oppose à échelle mondiale le nord et les suds, et devient une véritable ligne de fuite: Pour ceux qui s’imaginent faibles, les frontières sont une défense contre l’agression. Pour ceux qui ont l’esprit ouvert, celles-ci indiquent le début de possibilités nouvelles.
Selon Jonathan Barnbrook, le style est un virus qui doit parasiter de son sens critique les projets du graphiste, tel un dommage collatéral. Une injonction attentive à ce cadavre exquis composé des morceaux de six slogans publicitaires et reprenant la phrase célèbre de Tibor Kalman : « Designers, stay away from corporations that want you to lie for them. »
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Jonathan Barnbrook
— Violence is a Cycle, 2004. Affiche.
— You Can’t Bomb an Idea, 2004. Affiche.
— Pour Damien Hirst, I Want to Spend the Rest of my Life…, 1997. Couverture.
— Pour Damien Hirst, Jonathan Barnbrook, I Want to Spend the Rest of my Life…, 1997. Double pages.
— Roppongi Hills, 2003. Logo.
— BBC Radio Sctoland, Foogie Bummer, 1995. Images extraites du spot télévisé.