Liz Deschenes, Sam Lewitt, Scott Lyall, Sean Paul, Eileen Quinlan, Blake Rayne et Cheyney Thompson
Collatéral
Cette exposition s’inscrit dans le cadre de la seconde édition de Plein Soleil / L’Eté des centres d’art.
Entrepôt-galerie
L’exposition réunit des artistes américains qui ont une pratique d’atelier et qui questionnent les moyens de production, d’exposition et d’exploitation de l’oeuvre d’art. Ils travaillent la peinture, la photographie ou l’installation en privilégiant l’abstraction et manipulent les images avec méfiance et humour.
Cette petite bande d’artistes new yorkais réinvente le tableau abstrait qui résiste au marché et au glamour. En marge des superproductions et autres mystifications pop ou spectaculaires, ils s’appliquent à la construction d’une œuvre résistante et radicale.
Ils sondent sans relâche ni enfermement le support et la surface, connaissent par coeur la peinture française des années 70 et portent une admiration sans borne à Martin Barré. Ils reprennent à leur compte le modernisme, sans être dupes, leurs œuvres agissent comme autant de clichés de l’abstraction et font images.
Ils procèdent par décalage, inversion et anachronisme, élaborent des systèmes de déconstruction des processus de fabrication du tableau aussi farfelus que rigoureux si bien qu’ils ne cèdent jamais à l’enfermement.
Affranchis des modèles historiques, l’improvisation et l’intuition sortent le tableau de ses problématiques strictement picturales pour migrer vers une zone incertaine.
Eileen Quinlan pratique une abstraction photographique qui se construit par séries dans le respect d’une procédure : de petits miroirs sont disposés les uns contre les autres en jouant sur l’angulation tandis qu’une source lumineuse ou des tissus produisent un reflet colorant l’ensemble.
En fonction de leur traitement, ses tableaux s’inscrivent dans le champ de la photographie ou tendent vers la peinture. En effet, le noir et blanc et les accidents de développement marquent un traitement photographique alors que les tirages couleurs parfaitement découpés par les reflets renvoient aux champs colorés des abstractions picturales.
Liz Deschenes rephotographie des photographies de papier perforé, elle en tire deux copies en noir et blanc puis en négatif, qu’elle superpose en alternant les trous. Le résultat produit un effet mouvant, cinétique et psychédélique proche de l’aberration visuelle et crée des motifs optiques moirés.
Blake Rayne opère des passages de l’horizontae à la verticale puisque le tableau est peint au sol, de l’unité au multiple puisque la toile a été découpée en différentes parties alors qu’elle était peinte d’un seul tenant.
Cheney Thompson peint et explore les possibilités offertes par la ligne et le plan, données minimales de la peinture. Les droites se croisent ou se courbent pour créer une abstraction géométrique passionnante. Les peintures se répondent d’une toile à une autre sans jamais se répéter.
Sean Paul se joue des codes de l’exposition et du marché de l’art mais aussi du statut du tableau et des tautologies des problématiques picturales. Au-delà du système propre à chacun, les mêmes questions sont sans cesse reformulées.
L’accrochage participe pleinement du projet artistique. Les jours précédant le vernissage sont envisagés comme un laboratoire d’élaboration de l’exposition mais aussi comme un atelier pour la réalisation d’une publication.
Ce temps privilégié de présences simultanées des artistes et des œuvres dans l’espace d’exposition permet de formuler les problématiques qui sous-tendent le projet. Les différentes hypothèses de présentation énoncées, les tentatives de rapprochement entre tel et tel artiste créent les conditions idéales d’un dialogue constant fondé sur l’exposition au moment même de son apparition.
Des invités commentent l’exposition et réalisent des entretiens croisés avec les artistes, matériaux qui nourriront la publication, une équipe éditoriale et un appareillage documentaire procèdent à l’archivage de ces temps de réflexion.
Il ne serait pas étonnant de retrouver des fleurs dans cette exposition, sur un tableau ou au sol comme preuve du temps qui passe, celui de l’exposition mais aussi comme marque du deuil des utopies et du modernisme. Le bégaiement esthétique comme voie à venir des pratiques les plus réflexives : un paradoxe ?