En 2015, la chorégraphe portugaise Claudia Dias a entamé un vaste projet de sept ans. Intitulé Sete Anos Sete Peças (2015-2022) [Sept ans, sept pièces], le projet articule un parcours en sept étapes, en temps réel. Comme un antidote contre la précarité et l’absence de futur, sur fond de désastre économique : un projet de vie, de danse, de rencontres. En 2016, la première pièce a ainsi été créée : Segunda-Feira : Atenção à direita! [Lundi : Attention à droite !]. En 2017, la deuxième pièce a vu le jour : Terça-Feira : Tudo o que é solido dissolve-se no ar [Mardi : Tout ce qui est solide s’évapore]. Et actuellement, la troisième pièce, Mercredi, est en création. Chaque pièce devient ainsi un terrain de rencontre et de création concrète. Le lieu d’une invitation faite à un autre artiste.
Terça-Feira : Tudo o que é solido dissolve-se no ar, de Claudia Dias : danse et performance
Pour Terça-Feira : Tudo o que é solido dissolve-se no ar, Claudia Dias invite Luca Bellezze. La pièce prend ici les traits d’une performance à deux interprètes (Claudia Dias et Luca Bellezze), autour de La Linea d’Osvaldo Cavandoli (1920-2007). Ce court dessin animé des années 1970, dans lequel une main dessinait une ligne, composant un personnage et son environnement. À chaque épisode, le petit personnage rencontrait des obstacles, interpellant vivement son créateur dans un gribouillis de langage, pour qu’il fasse bouger les lignes. En amont de cette référence, Claudia Dias se remémore une émission de télévision pour enfants, qui aura marqué sa génération : celle de Vasco Granja (1925-2009). Un animateur passionné de bande-dessinée et de cinéma d’animation, militant communiste, dans le Portugal d’après la révolution des Œillets. Réflexion chorégraphique ludique, Claudia Dias reprend ainsi le dispositif de la ligne pour mieux l’interroger.
Un duo chorégraphique, ludique et conscient, pour faire bouger les lignes
D’un côté la ligne de démarcation, la frontière, l’infranchissable, ce qui sépare ; de l’autre la ligne humoristique, le trait qui relie les points et rapproche les personnes. En compagnie du performeur et clown Luca Bellezze, Claudia Dias compose ainsi un Terça-Feira, un Mardi, en forme de dessin animé-dansé. Sur fond de réflexion socio-économique. La seconde partie du titre, « Tout ce qui est solide s’évapore », est tiré du Manifeste Communiste (1948) de Karl Marx et Friedrich Engels. Soit l’idée d’un capitalisme fonctionnant par crises, par cycles de transformation et destruction. Comme une machine à vapeur dévorant du charbon solide, pour mieux le recracher sous forme de fumée. À contre-courant de ce processus, Claudia Dias et Luca Bellezze composent ainsi une pièce réuniant le dissocié. Le ligne de conduite ? « Nous ne connaissons que notre point de départ, pas notre destination ni le chemin que nous prendrons pour l’atteindre. »