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Claude Lévêque

«Parfois être "limite" entre esprit critique et premier degré, afin d’influer sur nos conditionnements. Le visiteur ne doit plus penser de la même façon après avoir appréhendé l’œuvre...»

Propos recueillis et transcrits en avril 2002 par Hélène Chouteau, directrice de La Galerie et commissaire de l’exposition Welcome to Pacific Dream de Claude Lévêque (12 mai-20 juil. 2002). Entretien paru dans le journal de La Galerie (Noisy-le-Sec).

Hélène Chouteau. Notre première collaboration à La Galerie de Noisy-le-Sec a été l’insert que tu as proposé pour le journal de l’exposition Michel Journiac. 24 heures de la vie d’une femme ordinaire, en mars 2001 (photographie du Saint Vierge (piège pour un travesti), 1972). Peux-tu parler de cette expérience et de l’influence de Michel Journiac sur ton travail ?
Claude Lévêque. Michel Journiac, Gina Pane, Gilbert and George, sont les artistes avec qui j’ai eu beaucoup d’affinités à mes débuts. Christian Boltanski a été également déterminant pour moi.
Le corps, comme présence et espace de l’expérience, la représentation et le rituel, sont autant de sujets abordés par les artistes de la mouvance de l’Art corporel, du Body Art, de l’Actionnisme viennois ou de la performance qui marquent encore mon travail. Ceci même si j’utilise moins directement l’image du corps comme j’ai pu le faire dans Grand Hôtel (1982).
Après avoir travaillé dans le domaine de la mode, à l’époque j’étais encore incertain sur les orientations de ma production, j’ai organisé la troisième exposition manifeste d’Art corporel à la Maison de la Culture de Nevers, en 1979. Michel Journiac et Gina Pane avaient créé des performances spécialement pour cette occasion. J’avais mis en scène une salle Michel Journiac. Elle était conçue à partir d’un dispositif associant des représentations de la mort (dont notamment les squelettes couverts d’or et laqués en blanc qui sont des pièces essentielles de l’histoire de l’art du XXe siècle) avec des objets religieux. C’est ce que l’on voit dans l’installation qui a été publiée pour le journal de La Galerie.
Lorsque je pense à l’influence qu’a pu avoir Michel Journiac sur les artistes qui lui ont succédé, je trouve que la place qui lui est accordée par les musées est tout à fait insuffisante. C’est, à mon sens, un véritable manquement historique.

Ses œuvres sont encore reçues difficilement, non seulement parce qu’elles traitent du corps et qu’elles détournent des modes rituels et de représentation qui appartiennent au domaine religieux, mais sans doute aussi parce qu’elles induisent une prise directe de l’art avec la vie, avec le quotidien, avec l’actualité, d’une manière qui peut être parfois interprétée comme triviale… Nous sommes loin d’une vision de l’art comme un domaine spécifique et idéalisé…
Claude Lévêque. Oui. Michel Journiac a introduit le quotidien dans le champ de l’œuvre. C’est un point capital.
Dans 24 heures de la vie d’une femme, l’artiste incarne, avec son corps, la réalité dont il veut parler: le quotidien des femmes. Le jeu du travestissement apporte une ambivalence, ajoute une violence qui passe par une distanciation. Il faut mesurer toute la portée politique et l’aptitude critique à déranger de cette pièce pour évaluer à quel point elle peut encore résonner dans notre actualité. Elle se situe bien au-delà du simple constat sociologique et de ce que font certains artistes américains qui passent pour subversifs parce qu’ils utilisent une violence «gore», spectaculaire et directe. Ces derniers se situent en fait dans une conformité à la morale, un esprit politically correct en accord avec le puritanisme.

La force de Journiac réside dans son esprit parodique.
Claude Lévêque. Oui, et par ailleurs, il a été un des précurseurs qui plaçaient les rapports entre le public et l’œuvre sous l’angle de la participation, au sens où le travail de l’artiste doit être source de débats et d’interrogations.
Dans une ville comme Nevers, par exemple, où j’ai organisé son exposition, il y avait beaucoup de monde aux performances. Les gens discutaient avant même de se scandaliser, avec un vrai positionnement… Leur réaction et leur réflexion étaient à la hauteur de son engagement et de son geste. Le contexte actuel où l’art contemporain fait l’objet de multiples attaques et où des procédures d’interdiction sont utilisées contre des œuvres et des artistes au nom de principes moralisateurs (je pense entre autres aux événements récents qui se sont déroulés à Bordeaux), nous conduit trop souvent à nous autocensurer (je parle surtout de nos craintes à exposer certaines images et à aborder certains sujets). Nous hésitons à nous engager dans des débats d’idées et des réflexions réels. Nous sommes plus désabusés.

La situation a surtout changé depuis que l’art est devenu un sujet de masse souvent intégré à une industrie culturelle de divertissement.
Claude Lévêque. Oui, cela conduit à un «formatage» des langages.

Comment conçois-tu les rapports de ton travail de création avec l’actualité, le contexte, l’Histoire ? Je pense à ton exposition, en 1990, à la galerie de Paris, pour laquelle tu avais utilisé les éléments d’élevage pour les cochons qui évoquaient les camps nazis. Tu l’as réalisée au moment où un travail de mémoire sur cette période de l’histoire s’avérait nécessaire.
Claude Lévêque. À l’origine, mon travail s’est basé sur des thèmes liés à ma mémoire d’enfant et à mes mythologies personnelles qui se sont vite étendus à des préoccupations plus collectives. J’ai utilisé, à une époque, des éléments qui appartiennent aux équipements d’élevage et de parcage animal, ainsi qu’aux aménagements des collectivités humaines. Je voulais créer des relations symboliques entre sacrifice animal et sacrifice humain. Mon histoire a également inféré sur mes sources d’inspiration: mon grand-père, un communiste militant, a été déporté en camp de concentration. Il est vrai que ces préoccupations ont surgi au moment où de l’extrême droite réapparaissait dans l’actualité politique. Je suis allé visiter le camp d’Auschwitz et j’en ai tiré deux pièces: l’installation avec les éléments de porcherie présentée à la galerie de Paris et ARBEIT MACHT FREI. Cette dernière est constituée du texte de l’enseigne affichée à l’entrée d’Auschwitz, associé à la figure d’un Mickey issue du logo d’Eurodisney France. Je voulais réagir face à l’amnésie collective par rapport à cette période historique et face à la domination de la société des loisirs. Cette pièce m’a posé beaucoup de problèmes.

Lesquels ?
Claude Lévêque. J’ai failli passer en procès pour ARBEIT MACHT FREI à cause de journalistes qui s’en étaient emparés pour essayer de convaincre d’anciens déportés de porter plainte contre une caricature de leur mémoire. J’ai même été présenté par la presse comme un artiste néo-nazi à l’occasion d’une exposition à Albi. J’ai fait alors un texte destiné aux anciens déportés pour clarifier ma position. La pièce a alors été perçue d’une tout autre manière, mais elle pose encore de nombreuses questions. Je l’ai présenté au CAPC de Bordeaux, dans l’exposition Présumés innocents, et avant même l’ouverture, il y a eu des réactions négatives. Le musée m’a tout de suite demandé de présenter le texte. Je trouve terrible d’être obligé de justifier ma démarche avec un écrit car les gens doivent pouvoir lire et interpréter cette œuvre par eux-mêmes. Effectivement, elle est dure. L’association des deux symboles (celui du rêve du monde parfait avec celui du sacrifice humain) crée des chocs de significations. Je laisse en suspens, volontairement et parfaitement consciemment, le sens de ce jeu esthétique de comparaison. Il est important de provoquer des questionnements et c’est pour cela que j’ai toujours envie de montrer cette pièce.

Après la période où tu utilisais des images et des objets, ton travail est devenu plus abstrait, plus elliptique. Tes œuvres sont à présent des installations indexées à des lieux et composées de jeux de lumières et d’effets sonores.
Claude Lévêque. J’agis moins directement par rapport à des événements ou des situations sociales. J’ai fait antérieurement des expériences d’installations dans des appartements de cités HLM qui ont été des moments importants. Je voulais travailler en direct avec une réalité, sur un sujet et sur le lieu même de ce sujet. Mais je me méfie beaucoup du risque d’être identifié comme «artiste social» ou «artiste des HLM». Je suis vraiment critique vis-à-vis de ceux qui se situent dans cette optique en optant pour force de démonstration et de surenchère la violence séduisante. Dans notre situation confortable d’artiste, nous ne pouvons pas exploiter naï;vement certains thèmes et esthétiser la réalité impitoyable du monde. Il est vrai que je vois notre époque comme violente et noire (même si je ne suis pas de nature à larmoyer), mais je n’ai peut-être plus envie d’en parler directement. Ce n’est pas mon rôle d’artiste. Mes dispositifs sont des mises en situations qui ne sont pas directement illustratives. Ils induisent une dialectique de l’espace qui aboutit à une implication du public, à un échange qui vient de la sensibilité des individus. Toutefois, même si les formes que j’emploie actuellement sont plus abstraites, elles induisent toujours une certaine violence.

Tu mets fortement encore en jeu la présence du corps, celui du visiteur notamment. Si tes œuvres peuvent être perçues dans un rapport immédiat, tu refuses néanmoins toute forme de complaisance. Éric Troncy soulignait dans un texte (Claude Lévêque, Éd. Hazan, Paris, 2001) que tu ne voudrais pas, dans l’idéal, que les visiteurs restent plus de cinq minutes dans tes installations. Le public est confronté à une perception forte et furtive qui va s’inscrire dans son imaginaire. Il ne s’agit pas de susciter une attitude contemplative, mais plutôt de provoquer un choc pour construire et inscrire une mémoire.
Claude Lévêque. Oui, cette question de la mémoire est présente dans le développement de mon travail depuis son origine. Même si on peut lire des changements formels au fil de l’évolution de ma démarche, j’agis selon une même trajectoire logique, depuis les représentations de la mémoire des lieux de mon enfance jusqu’aux installations actuelles.

As-tu construit un système conceptuel ou visuel que tu pourrais répéter pour concevoir tes installations in situ?
Claude Lévêque. Non, pas du tout. Je cherche d’ailleurs à résister à cela pour éviter toute démonstration de savoir-faire. J’ai la chance qu’on me propose des lieux assez différents qui ont une forme ou une situation géographique particulières, même s’il s’agit d’espaces destinés à l’art. Cela me permet, à chaque fois, de développer des dispositifs vraiment spécifiques.

Daniel Buren, par exemple, a élaboré un système pour ses œuvres in situ et cela ne l’empêche pas de se renouveler à chaque intervention…
Claude Lévêque. Oui parce qu’il veut mettre en place un dogme théorique, une rationalité esthétique. Nous n’avons pas le même type de fonctionnement, même si c’est un des artistes qui m’intéressent beaucoup en France, actuellement.

Tu es proche de la peinture.
Claude Lévêque. On me l’a dit maintes fois.

Chacune de tes installations est composée comme un tableau, à partir de couleurs, de formes, de lumières… Tu attaches beaucoup d’importance à la photogénie de tes œuvres. Ta façon de t’approprier des lieux, des sujets, des objets et des «motifs» du quotidien est proche de la peinture de genre. On peut noter également une vision assez classique des perspectives.
Claude Lévêque. Oui, à chaque fois que j’observe un lieu, je le vois comme un paysage. Je le traite comme une composition, comme on le fait pour une peinture de paysage, de paysage urbain, évidemment…

Et pour La Galerie, comment as-tu conçu ton projet ?
Claude Lévêque. La première chose qui m’a intéressé est la façon dont on voit l’extérieur depuis les salles d’exposition.
C’est comme à PS1, à New York, le Musée d’art contemporain dans lequel j’ai réalisé l’installation Stigmata, en 1999. Je suis intervenu avec un filtre rouge sur les fenêtres d’un escalier du bâtiment, sur toute la hauteur. J’ai traité la vue que l’on avait sur l’extérieur, sur le quartier du Queens. Au sommet, ainsi que sur les plafonds des paliers circulant le long de cette façade vitrée, j’ai installé des faux plafonds en miroir qui reflètent l’escalier, et des lignes de lumières défilantes du rez-de-chaussée au dernier étage afin de transformer cet espace en une image virtuelle infinie. J’ai créé une mise en abîme du site en faisant résonner l’intensité de la vie extérieure avec l’intérieur.
À Noisy-le-Sec, j’ai vraiment été marqué par la vision que l’on a, depuis La Galerie, de la réalité urbaine environnante. Des cités HLM entourent le bâtiment. Mon idée est de créer une sorte de rêve par rapport à cette vie extérieure. C’est pour cela que j’ai voulu réaliser une mise en abîme du site, comme à PS1, en appliquant des filtres rouges sur les fenêtres de la maison pour intervenir sur les perceptions visuelles de l’intérieur et de l’extérieur du bâtiment. Tout bascule dans le rouge et le mouvement des branches suspendues confirme cet effet d’irréalité. La lumière vient créer une ambiance cinématographique, un univers onirique…

On peut penser à l’univers des images de synthèse.
Claude Lévêque. À un rêve virtuel qui ne se réalise pas, un rêve improbable. J’ai trouvé amusant d’appeler cette œuvre Welcome to Pacific Dream en reprenant un vocabulaire employé par la télévision ou la publicité et me référant à une culture populaire familière de beaucoup de gens des banlieues. Ce titre et la forme de cette installation sont nés de la vision que l’on a du bâtiment de La Galerie depuis l’extérieur. Il est rare de voir un centre d’art situé au cœur des cités HLM de cette manière-là !…

Tu es un des premiers artistes invités à La Galerie qui fait une installation renvoyant à l’extérieur, de la sorte. Tu parviens à faire vibrer tout le site à partir de cette maison. En quoi cet environnement de banlieue t’a-t-il intéressé particulièrement ?
Claude Lévêque. J’adore la banlieue mais de manière très poétique. J’en ai assez d’entendre toujours les mêmes clichés, toujours la même surenchère sur l’insécurité, les jeunes qui dealent dans les caves, la peur, le fantasme…

En réaction à tous ces fantasmes fabriqués, tu t’emploies à produire un rêve, un vrai fantasme, en quelque sorte !
Claude Lévêque. Oui (rires). C’est beau, la banlieue, c’est magnifique. Quand il fait beau, je vais m’y balader en scooter. Pour moi, c’est un terrain d’exploration et un univers méditatif. La banlieue parisienne est pleine d’architectures extraordinaires, d’endroits magnifiques et de recoins imprévisibles, mais ce n’est pas l’image qu’on veut en donner.
La banlieue est un réseau d’identités très riches. J’ai toujours dit ça (et je ne suis pas le seul…). New York n’est pas imaginable sans Brooklyn, sans le Queens, sans Harlem ou le Bronx. Beaucoup d’inspirations novatrices viennent de là pour être conditionnées à Paris ou à Manhattan. Elles revêtent alors des formes adaptées à un certain type de visibilité qui trahit leur sens originel.

Tes œuvres ont une beauté fascinante qui est à la fois violente et répulsive. Cette beauté magique peut être parfois spectaculaire. Ne crois-tu pas que ça peut devenir dangereux et manipulateur ?
Claude Lévêque. Je me pose la question tous les jours sur ce que je produis. Il est vrai que j’utilise des éléments du spectacle: la lumière, le son, des techniques visuelles à effet immédiat… Mais c’est un spectacle qui influe sur l’intime, sur les affects et sur tout ce qui est enfoui en nous.
Je ne suis pas opposé aux formes spectaculaires si elles impliquent un esprit acide, par effet de miroir et de métaphore par rapport à la réalité. Je crée volontairement plusieurs niveaux de lecture. Je peux utiliser des effets visuels évidents ainsi que des collisions de significations, voire des ambiguï;tés de sens. Il faut savoir jouer ce double jeu: parfois être «limite» entre esprit critique et premier degré, afin d’influer sur nos conditionnements. Le visiteur ne doit plus penser de la même façon après avoir appréhendé l’œuvre.

Tu as utilisé le rouge à plusieurs reprises: pour l’exposition Elysian Fields au Centre Pompidou, pour ton œuvre installées à la Collection Lambert à Avignon, pour Stigmata à PS1, à New York… Pourquoi cette couleur particulièrement ?
Claude Lévêque. C’est une série que je vais d’ailleurs clore car je crois que j’en ai tiré tout ce que je pouvais. Le rouge a une existence physique et pulsionnelle. C’est aussi le sang, la révolte, une symbolique forte. Cette couleur organique peut modifier complètement notre perception de l’espace.

Et le son ?
Claude Lévêque. Il agit avec tous les scintillements et les mouvements du dispositif. Il participe (au même titre que les branches suspendues qui peuvent évoquer des arbres à l’envers en modèle réduit) à l’effet d’irréalité de Welcome to Pacific Dream. Cette installation est une saturation lumineuse organisée avec des respirations rythmiques, des vibrations, des reflets et des effets de renvois des lumières projetées ou issues de l’extérieur. Comme la lumière, le son est immatériel. Je l’utilise souvent de cette façon. Par exemple, dans la pièce que j’ai faite pour la collection Lambert à Avignon, il y a ce grand filament rouge de 35 mètres en suspend qui vient se répandre dans l’espace comme une coulée de lave, sur l’intégralité de la longueur des combles du bâtiment fragmentées par des arcades. Le son infra-basse produit l’impression que toute la bâtisse vibre. J’utilise le son de manière à ce que l’on ne puisse pas en identifier la source. Pour La Galerie, la bande sonore est un tintement.

Elle a également été conçue en fonction du site ?
Claude Lévêque. Bien sûr. Le son fait partie intégrante du dispositif. Il agit sur notre perception des espaces et de leurs volumes. Le visiteur l’entend inconsciemment au cours de ses déplacements.

Ce n’est donc pas de la musique.
Claude Lévêque. Non, surtout pas. Même si je l’ai travaillé avec un musicien. Il est une vibration et n’est pas réalisé selon des règles mélodiques ou harmoniques. J’ai travaillé avec Jerome Nox, dont j’ai connu la musique dans les années 80 alors qu’il avait un groupe. C’était de la musique nouvelle et industrielle. Nous sommes intéressés par des univers proches, c’est donc simple de s’entendre sur la conception sonore.

La musique est une source d’intérêt importante pour toi.
Claude Lévêque. Oui, bien sûr. J’écoute en ce moment, beaucoup de vieux blues et puis, toujours un peu de musique électronique bruitiste. Actuellement, mes deux groupes préférés sont «Godspeed you Black Emporor!» et «The Sylver MT Zion». Ils sont canadiens et utilisent des mélanges de samples, d’instruments traditionnels et de sons urbains. Ils créent des ambiances un peu étranges et inquiétantes comme celles des films de David Lynch.

Le cinéma est-il aussi une de tes sources ?
Claude Lévêque. David Lynch est une référence importante, dont notamment Mulholland Drive, son dernier film, pour son univers visuel, son climat inquiétant mêlant tension, suspens, rêve et réalité. Je me sens proche de son vocabulaire artistique. David Linch n’hésite pas à employer une esthétique sophistiquée pour provoquer une fascination et une implication immédiate du spectateur dans l’image et dans le scénario, tout en affichant une distanciation (souvent humoristique) des références et des codes qu’il emploie. Il joue sur plusieurs niveaux de lecture. De même, j’ai vu au moins cinq fois tous les films de Kitano. Sonatine et Hana-be sont des chefs-d’œuvre. Je m’intéresse tout particulièrement aux ruptures qui se créent entre le récit (les histoires de mafia et de corruption) et l’esprit de dégagement, les réflexions sur l’enfance et l’intime qui se dégagent de l’écriture de Kitano.

Et la littérature ?
Claude Lévêque. Je pourrais citer beaucoup de lectures, je lis la presse (presse d’actualité et d’analyse politique) à foison. Mes livres de chevet sont ceux de Jean Genet. Je relis sans cesse Notre-Dame des Fleurs, L’Enfant criminel et en ce moment, L’ennemi déclaré avec le récit des séjours et des rencontres de l’auteur en Palestine…

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