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Claude Closky 8002-9891

Le Mac/Val accueille Claude Closky, artiste warholien, qui propose sous forme de parcours sonore une «rétrospective», de 1989 à aujourd’hui. Le critique d’art Michel Gauthier nous livre les clés de son œuvre, hanté par le dénombrement et le référencement.

Information

Présentation
Michel Gauthier
Claude Closky 8002-9891

Ce catalogue est publié à l’occasion de l’exposition «Claude Closky 8002-9891», organisée au Mac/Val — musée d’art contemporain du Val-de-Marne, à Vitry-sur-Seine, du 28 mars au 22 juin 2008.

Extrait de «Claude closky : d’un désœuvrement l’autre», par Michel Gauthier

«Il y a une histoire artistique de la boîte de Kellogg’s Corn Flakes. Premier épisode : dans la série des sculptures reproduisant, au moyen de sérigraphies sur bois, des boîtes de différents produits de grande consommation (tampons à récurer Brillo, jus de tomate Campbell, conserves de pêches au sirop Del Monte, ketchup Heinz), qu’Andy Warhol entreprend en 1964, figurent des Kellogg’s Corn Flakes Boxes.
Deuxième épisode : en 1986, Haim Steinbach met en montre des boîtes desdites céréales sur une étagère à section triangulaire, blanche et verte, aux côtés d’antiques poteries — stay with friends (KeIIogg’s). Deux ans plus tard, le même Steinbach fera des deux vocables « corn » et « flakes » une peinture murale.
Troisième épisode : en 1993, sur une longue étagère et parmi une centaine d’objets qui, tous, affichent l’un des cent premiers nombres, Claude Closky place une boîte de céréales Kellogg’s, élue parce qu’elle affiche un « 19 » (De 1 à 100) ; mais, dès 1989, il nous aura donné à lire, avec Lu et relu au petit déjeuner (corn flakes), le texte figurant sur les emballages de ces pétales de maïs Kellogg’s : « Avec 8 vitamines et du fer — 375 g — 500 réveils à gagner ! Cocorico ! […] ». Le texte ne pouvait qu’être distribué en six paragraphes, car une boîte a six faces. Cette année-là, l’artiste n’aura d’ailleurs pas seulement lu et relu le texte des boîtes de Kellogg’s. Muesli, lait demi-écrémé et café soluble complétèrent la série — pour un petit déjeuner complet.

Résumons. Puisque l’œuvre ne saurait désormais être autre chose qu’une marchandise, il est normal qu’elle représente ce qu’elle est devenue — c’est le moment warholien. Bien plus, puisque l’œuvre est une marchandise, il est somme toute logique que la marchandise soit une œuvre — c’est le chiasme qui s’opère sur les étagères de Steinbach. Comme dès lors, au matin de l’art, il n’y a plus rien à faire, et que l’artiste est face à une marchandise déjà produite, autant regarder celle-ci d’un peu plus près et, par exemple, lire ce qui s’y donne à lire — Closky prend son petit déjeuner.

La boîte est devenue un texte. Et le protocole d’exposition de ce texte — deux feuilles de papier A4 — n’est pas indifférent. La conversion linguistique et le mode de présentation retenu renvoient de toute évidence à l’art conceptuel. Voilà donc, par un singulier retournement, l’emballage dont la présence plastique, dans la scénographie des supermarchés, avait séduit Warhol, ramené à la matérialité ténue d’une feuille de papier et des quelques lignes qui y sont imprimées.
C’est sur les produits de grande consommation que l’esthétique pop a consacrés qu’il faut aller chercher les énoncés par lesquels les artistes conceptuels ont tenté de lutter contre la réification de l’œuvre d’art, contre sa transformation en une simple marchandise. Les lectures répétées de Closky pendant ses petits déjeuners de 1989 sont certes un palliatif au désœuvrement époqual de l’artiste, mais aussi plus que cela. Dans le curieux abstract ici pratiqué se joue un nouvel épisode des rapports complexes entre les esthétiques pop et conceptuelle. Se trame, en même temps, le premier chapitre de l’histoire qui va amener Closky, en 2008, à présenter ses œuvres sous une forme purement sonore, à l’occasion d’une rétrospective, « 8002-9891 », qui délivre un large reflet de son art.»

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