Claude Cahun
Claude Cahun
L’œuvre de Claude Cahun, dont beaucoup de clichés et de manuscrits ont été perdus lors du pillage de son domicile de Jersey par les nazis, a longtemps été méconnue et tenue éloignée des regards, avant que les travaux de François Leperlier ne la révèlent au public. Grâce à cette exposition, elle est ainsi restituée dans la totalité de ses expressions.
L’œuvre photographique de Claude Cahun s’étend sur une vaste période allant de 1913 à 1954, peu avant sa mort. L’on peut penser que, depuis l’âge de quinze ou seize ans, l’artiste n’a cessé de faire appel à la photographie. Néanmoins, les œuvres qu’elle nous a léguées permettent de distinguer des périodes particulièrement productives: 1914-1920, 1926-1932, 1936-1940, 1947-1950.
Ce sont sans doute ses autoportraits qui ont suscité le plus d’intérêt parmi les théoriciens de la culture contemporaine. L’artiste s’y sert de sa propre image pour démonter un à un les clichés associés à l’identité (féminine, masculine). Claude Cahun s’est réinventée à travers la photographie comme à travers l’écriture, en posant pour l’objectif avec un sens aigu de la «performance», habillée en femme, en homme, cheveux longs ou crâne rasé. Chose des plus incongrues pour une femme de l’époque.
Or parler d’identité, c’est aussi parler indirectement du corps, partant, de l’image que l’on projette de soi, et qui devient sociale dès l’instant où elle est partagée. Contrairement à d’autres artistes – principalement des hommes – qui pratiquèrent le portrait sans jamais s’exposer eux-mêmes, ou rarement (Man Ray, Hans Bellmer, André Kertész), Claude Cahun est à la fois l’objet et le sujet de ses expériences artistiques. En témoignent, chez elle, le soin mis dans le choix de la pose, l’intention de celle-ci, les fonds qu’elle utilise, le recours à des accessoires précis (masques, capes, survêtement, globes de verre…), même si le point focal de l’image reste essentiellement le visage lui-même. On retrouve certaines de ces propositions dans les travaux sur l’objet qui s’annoncent au milieu des années 1920 et se développent durant les années 1930.
L’exposition s’attache à mettre en évidence la dimension particulièrement novatrice de ces recherches dont les problématiques, les procédés plastiques et symboliques — agencement scénique, superposition de clichés, photomontage —, s’inscrivent dans la continuité des spéculations sur la métamorphose de soi.
On ne peut pas vraiment comprendre l’itinéraire personnel de Claude Cahun sans évoquer la complicité de son amante et compagne, Suzanne Malherbe, mieux connue sous son nom d´artiste, Moore. Certaines oeuvres résultent d’une collaboration entre les deux femmes, par exemple les dix photomontages repris dans Aveux non avenus (1930), l’œuvre littéraire la plus célèbre de Claude Cahun.
La dimension politique du couple est indéniable, qui fait valoir un individualisme libertaire et un esprit de résistance contre toutes les oppressions, notamment dans la lutte contre l’occupation allemande dès 1940. Elle se manifeste dans leur adhésion active au surréalisme et leur relation avec André Breton, René Crevel, Robert Desnos… Elles se sont aussi liées d´amitié, à différentes périodes, avec Henri Michaux, Adrienne Monnier, Sylvia Beach, Gaston Ferdière, etc., avant de quitter Paris pour l’île de Jersey, en 1938.
Vernissage
Mardi 24 mai 2011
critique
Claude Cahun