Loïc Raguénès
Classement des nageuses
Loïc Raguénès reproduit dans ses œuvres des images préexistantes, en leur appliquant une trame photomécanique dont l’origine est à chercher dans la pratique de la sérigraphie et les moyens d’imprimerie. Mais si les premières œuvres de l’artiste étaient effectivement des sérigraphies, il abandonne rapidement cette technique pour l’acrylique, la gouache ou le crayon. Il reproduit des images qu’il trouve ou, plus exactement, qu’il choisit, sur des cartes postales, dans des journaux, des livres, ou encore sur internet.
Bien qu’il soit question de dessins et de peintures, cette démarche n’en reste pas moins une entreprise de reproduction, comme le souligne la trame photomécanique que l’artiste applique aux images et duplique manuellement. C’est en ce sens que l’exposition de Loïc Raguénès proposée par le centre d’art image/imatge s’intègre dans le cadre du cycle d’expositions «Les dérivés de la photographie» élaboré en collaboration avec le Frac Aquitaine et l’Artothèque de Pessac.
De cette méthode de travail résulte une ambivalence profonde des représentations qu’il nous donne à voir. Comme ces images peintes d’un porte-conteneurs ou de nageuses synchronisées, qui semblent figées dans un processus entre fabrication et dissolution. Cette impression provient de la discontinuité de la matière de l’image et de la dimension abstraite qu’introduit l’utilisation de la même trame. L’ambivalence est peut-être ce que recherche Loïc Raguénès dans son travail, car elle permet de dire la complexité des images, leur indécision, leur oscillation entre le décoratif et le signifiant, la prudence qu’il faut avoir à leur lecture.
À l’ère de la reproductibilité mécanique et numérique des images, en produire par des moyens manuels tels que la peinture ou le dessin est une manière pour lui, d’introduire de la lenteur dans son processus artistique et de prendre de la distance par rapport à leur représentation. Mais si les images choisies par l’artiste, déjà reproduites et appartenant à la sphère publique des médias, peuvent être le support d’une anthropologie visuelle du présent, il ne s’agit pour Loïc Raguénès de se servir de cette analyse critique comme point de départ de son travail.
Ses choix sont guidés par une interrogation qui consiste à chercher dans les images — photographiques en particulier — la possibilité d’une existence sous des formes et avec un statut qui diffèrent de leurs conditions initiales de représentation. En passant de l’image trouvée au tableau, un processus d’appropriation entre alors en jeu. Même si l’appropriationnisme des années 1970-1980, ou les démarches d’artistes iconographes de ces dernières décennies ne sont pas sans lien avec son travail, Loïc Raguénès s’intéresse davantage aux enjeux liés à la photographie et à la peinture en tant que médiums.