Ody Saban
Civilisations de la forêt inondée
Cette exposition offre une vision protéiforme du travail d’Ody Saban à travers un ensemble important de peintures à l’acrylique sur toile plus ou moins matiéristes, de moyens et grands formats et d’aquarelles sur papier translucide ou spécialement préparé par l’artiste. Le vertige de la création, l’euphorie prennent le dessus. Ody Saban crée la «beauté» par strates successives. Elle peint puis dessine sur sa peinture, repeint puis redessine jusqu’à être satisfaite de l’image obtenue, sans aucune préscience de l’Å“uvre à atteindre.
Ody Saban immerge le spectateur au cÅ“ur d’une nature luxuriante, inquiétante, dévorante, où les êtres et la végétation se métamorphosent, parés de couleurs flamboyantes et psychédéliques. Cet univers de forêts oniriques est le lieu de toutes les éclosions, propice à l’étreinte amoureuse, à la quête spirituelle, au recueillement. Dans la forêt inondée se meuvent des bateaux qui représentent l’Inconscient humain, habités d’êtres surgissant de la mythologie personnelle de l’artiste.
«Ody Saban présente ses rêves intensément intempestifs de civilisations d’une forêt inondée… de baisers, jeux, amour, grenouilles, papillons et aussi de menaces et de parades faces aux menaces… Visions d’un monde enfin réconcilié mais fragile.
Après l’exposition en 2012, d’Ody Saban chez Claire Corcia «Les fleurs de la nuit» où une forêt habitée mûrissait déjà aux alentours, voici des instantanés d’un long rêve «inachevable» de civilisations. Les animaux, végétaux et humains s’hybrident facilement et échangent volontiers leurs fonctions et langages. Il est difficile de ne pas être saisi par la lumière et la nuit, l’exubérance et la chaleur tropicale qui sourd de cette imagination fortement érotisée, libérée des contraintes serviles. En effet, si cette forêt est inondée d’eau, indispensable à la vie exubérante et folle — les bateaux n’y sont d’ailleurs pas rares — elle l’est également de désirs.
Des couleurs vives s’épanouissent avec des formes simples, des images rapidement perceptibles dans leur globalité; aucune recherche de l’originalité pour l’originalité, ni de complaisance pour les complications du banal; rien pour faire laid, peu de choses pour faire «joli». Toute la valeur de la peinture d’Ody Saban se situe à l’exact niveau de l’authenticité des rêves éveillés qu’elle parvient à diffuser, de la passion charnelle et intellectuelle qui l’anime.
Les nuances extrêmement délicates de l’expression proviennent des qualités et de quantités d’énergie qui débordent de ses œuvres.
Une série de dessins en noir et blanc sur papier ultramince au point d’en être transparent mais où le noir domine à force de fins traits d’encre témoigne de la capacité d’Ody Saban à se renouveler dans les registres les plus divers (ce qu’elle n’a d’ailleurs jamais manqué de faire) tout en restant fidèle à une forme d’expression moins apparemment virtuose.
Les œuvres d’Ody Saban s’emparent de paysages — ici ceux de civilisations nouvelles — sensibles, intellectuels, exigeants de la façon la plus concrète. La recherche d’un sens et même d’une surabondance de sens coïncide chez Ody Saban avec l’organique dont elle joue à pleines mains et tout son corps.» Thomas Mordant