Communiqué de presse
Arthur Schalit
City Blues
«Quand je peins, je suis le dépositaire de l’histoire de l’art dans son ensemble. Qu’une toile puisse être à la fois une surface et une illusion ne me semble pas incompatible, Je suis autant le fils de Jackson Pollock, de Peter Saul que du Caravage.
Je peins des mots, des flaques, des bites, des coups de pinceau, des corps, des têtes, des dégradés, des lumières fluo, des clairs obscurs, des objets mous, des avions, des palmiers, des coulures et des éclaboussures, des machins et des trucs, tous ces bidules apparaissent sur la toile, ils me sourient.
Dans tout ce fatras, les corps remontent, quelque chose apparaît j’y reconnais ma propre altérité.
Qu’est ce que peindre un repli de peau ? Que déclenche en nous la vision du corps d’autrui, à quel point faut il le détailler pour qu’il réponde à notre propre chair ?
Inquiétude de la violence que l’on applique à ce corps en le faisant exister, plus je me rapproche d’une ressemblance possible plus j’ai l’impression de le faire souffrir si je ne le peins pas bien, abîmer un corps ce n’est pas mal le peindre c’est au contraire s’appliquer à le peindre bien, même si une partie du «comment» nous échappe et si la réussite n’est pas toujours au rendez-vous.
J’intègre des lettres, des mots, parce qu’ils sont à la fois signe et sens. Peut-on supprimer l’une ou l’autre de ces propriétés ? Et si l’on dit le «corps» du texte, peut on abîmer et peindre ce corps-là comme l’autre ? Jusqu’à quel point peut-on abîmer un mot pour qu’il reste lisible ? Quelle place peut prendre un mot dans un tableau pour exister sans caractère narratif ? Alors pourquoi pas les injures, leur mécontentement se retourne contre la toile elle-même, elle la remet à sa place et moi avec «Arthur Fuck».
Si je rajoute des mots et des images en sur épaisseur c’est pour faire sourdre une deuxième toile dans la première, le fond de la toile remonte, comme un repentir indissimulable, comme cette image manquante.
L’instant de notre incarnation nous reste à jamais caché. L’art ne tend-il pas, en partie vers la reconquête de cette genèse, mais à mesure que l’on s’en approche il y a un phénomène d’entropie qui nous essouffle. Il faut se décaler pour pouvoir se remettre à avancer.
L’œuvre de l’artiste se trouve en creux à la conjonction de tous ses abandons, derniers pas infranchissables, non par manque de force mais parce qu’il n’y a rien derrière : la piste s’arrête là .»
Arthur Schalit
critique
City Blues