Communiqué de presse
Julier C. Fortier
Cinéma-maison
«Mon projet d’exposition à La Criée a pour origine le tirage au sort d’une maison qui a lieu tous les ans à Sherbrooke au Québec, la ville d’où je suis originaire. Il s’agit d’une maison préfabriquée en usine dont les modules (cinq au total) sont transportés au mois de mars vers leur site temporaire d’exposition : un stationnement de centre commercial.
La maison est assemblée, meublée, décorée et elle peut être visitée tout le printemps et l’été. Elle fait l’objet d’un tirage au sort à la mi-septembre. Une fois le gagnant désigné, la maison est démantelée à nouveau en 4 parties et transportée vers ses fondations définitives dans un lotissement. Ce tirage au sort a porté mon attention sur plusieurs points. D’abord sur la maison comme objet de rêve, en second lieu sur ce caractère montable-démontable qui peut être associé à une sculpture. Et finalement sur cette particularité du déplacement, de l’errance et du déracinement.
Souvent le fruit du hasard, les sujets de mes vidéos sont trouvés au gré de mes déplacements en voiture, en train, à pied. Le plus souvent ce sont des objets aperçus depuis la route : un panneau routier indiquant l’avenir (L’Avenir, 2007), un groupe d’éoliennes (Révolution, 2007), une enseigne de motel (Vacant/Non Vacant, 2005), un écran de ciné-parc filmé le jour (Cinéparc, 2006).
La plupart de mes projets ont pour territoire la région d’où je suis originaire (les Cantons de l’est au Québec). Le fait de vivre en France depuis bientôt dix ans me donne la distance nécessaire pour distinguer ce qui est de l’ordre de ma culture et repérer des détails insolites dans des cadres qui m’ont toujours parus banals. La maison, autant dans mon travail en vidéo, en sculpture, qu’en photographie, est un motif récurrent. Ce symbole de la sédentarité et de la stabilité est quelque peu mis à mal. Elle s’est envolée (There’s No Place Like Home, 2004), disparaît sous un nuage de poudreuse (Home, 2005), a été renversée (Domaine quatre saisons, 2006), est en ruine (House, 2008).
A travers ces œuvres, j’explore différentes relations qu’entretient la maison avec les différentes fonctions et perceptions que lui attribue le cinéma nord-américain avec son lot de maisons en kit, de façades reconstituées et d’intérieurs factices. Ces constructions viennent structurer l’image et redoubler son cadre. Si certains mouvements de caméra sont interdits au cinéma pour ne pas révéler l’envers du décor et détruire la magie de l’image, il s’agit dans mon projet d’exposition de travailler sur un possible « décadrage », ne sachant plus de quel côté de l’écran nous nous situons.» (Julie C. Fortier)