AES + F, Olga Chernysheva, Francisco Infante Arana, Oleg Kulik, Igor Makarevich, Sergueï Maximishin, Boris Mikhailov, Vladislav Monroe, Galina Moskaleva, Anton Olshvang, Boris Orlov, Ilia Piganov, Irina Polin, Alexey Titarenko et Alexandre Victorov
Chroniques russes
A l’occasion de l’année France-Russie , le Théâtre de la photographie et de l’mage présente l’exposition «Chroniques Russes».
Une influence politique et sociale
Vécu comme un véritable bouleversement, l’éclatement de l’Union Soviétique a provoqué un incroyable élan créatif mêlant ironie, nostalgie, critique et réflexion, alors que s’instaurait dans le même temps un questionnement tout aussi prégnant sur les notions d’identité, d’histoire et de territoire.
La Russie composée d’ethnies, de cultures et de religions tout aussi variées que disparates, a trouvé avec ses artistes contemporains des observateurs attentifs, des chroniqueurs talentueux de cette situation ambigüe qui associe la nostalgie de la Grande Russie, une formidable énergie créatrice et une irruption tout aussi rapide des codes de la mondialisation.
L’esthétique du réalisme socialiste
Si la photographie documentaire demeure toujours aussi vivante pour décrire la société russe, et Sergueï Maximishin en est un parfait exemple, les artistes plasticiens ne sont pas en reste. Usant d’éléments du quotidien comme Olga Chernysheva avec sa série des bonnets en laine, ou Anton Olshvang qui énonce le groupe sanguin de ses modèles sur leur robe de chambre au tissu caucasien , ou du travestissement à l’exemple de Monroe et du groupe AES + F, nombreux sont les artistes qui s’interrogent sur leur identité et leur citoyenneté.
Ils vont tout d’abord avouer volontiers se préoccuper des «missing images», ces images manquantes de leur Histoire, que le pouvoir politique leur a confisquées. Aussi, voit-on apparaître des artistes, à l’exemple de Boris Mikhailov ou Galina Moskaleva, qui vont reconstruire le chaînon manquant de leur passé ou de l’histoire collective.
Leur culture, très présente dans leurs oeuvres, transparaît au titre de la citation comme Monroe travestie en Dostoïevski ou en Charlot, ou Igor Makarevitch qui ressuscite le personnage de Buratino, le jumeau russe de Pinocchio, tandis que la jeune Irina Polin énumère, en des constructions improbables, les multiples et surabondants bibelots russes.
Les traces de l’Histoire ressurgissent tout aussi souvent avec Boris Orlov qui retravaille, en les peignant, des photographies historiques qui appartiennent au patrimoine national.
lia Piganov parodiant un travail d’inventaire et de catalo-gage, photographie des objets les plus ordinaires de la vie comme les humbles trésors d’une collectivité qui y a successivement déposé ses souvenirs, ses souffrances et son histoire.
Une représentation de la nature et du paysage
Par ailleurs, la représentation de la nature et celle du paysage traversent comme une constante, l’histoire de la photographie russe. Aussi, n’est-ce pas étonnant de retrouver cette préoccupation chez Alexandre Victorov, photographe trop tôt disparu, qui a fait de la nature son terrain d’expérimentation des formes visuelles. De même, Alexey Titarenko décrit-il avec l’œil nostalgique du poète, dans le silence d’une image où les rares personnages sont noyés dans la brume ou la neige, une ville fantôme héritière d’un passé de légende.
Une critique de la nature humaine
Si Francisco Infante Arana peut être considéré comme l’un des représentants majeurs du land art, son projet de reconstruction du ciel étoilé peut se décrire comme une tentative désespérée de remettre de l’ordre, tel un démiurge, dans une nature malmenée mais aussi dans une société socialiste devenue oppressante.
Oleg Kulik aime la provocation. Ses actions charnelles, agressives et spectaculaires s’opposent au caractère intellectuel et confidentiel des actions conceptuelles. Sa quête tolstoïenne d’une harmonie perdue et d’un dépassement de l’opposition entre l’art et la vie entre en résonance avec une époque à la recherche de valeurs authentiques et russes.
A mi-chemin entre le baroque, le constructivisme et la réalité documentaire, la photographie russe contemporaine s’avère riche de ces influences diverses.