A l’heure où la confusion règne, avec l’annonce de la dissolution du Conseil de la Création Artistique et celle, concomitante, de la création d’un Conseil National du Numérique, sans pour autant que les missions du ministère de la Culture et de la Communication soient clarifiées ni renforcées, il est temps de réfléchir à une refondation du rôle de ce ministère, pour qu’il soit en mesure de relever les défis culturels du XXIe siècle.
Depuis 1997, les conditions d’accès à l’art et à la culture ont été profondément transformées du fait notamment de la révolution numérique et des progrès considérables de l’équipement des familles dans le domaine de l’informatique, de l’audiovisuel et de la communication. (…) Ces évolutions s’apparentent à une véritable révolution pour les pratiques culturelles. (…) Depuis 2002, les gouvernements successifs ont fait le choix d’adopter une attitude frileuse, conservatrice, défensive, protectionniste et malthusienne face à ces mutations. Ils ont donné la priorité à la lutte contre l’échange des œuvres culturelles sur Internet (lois Dadvsi de 2006 et Hadopi de 2008).
Internet n’est pas une menace. Cette politique repose sur une erreur d’analyse fondamentale: Internet ne constitue pas une menace, mais, au contraire, un formidable levier pour la culture. Plutôt que de redouter Internet et de chercher à s’y adapter tant bien que mal, il convient de prendre les devants et d’investir l’univers numérique pour en saisir toutes les opportunités, pour la création, l’action et la diffusion culturelles.
En 2012, si elle gagne, la gauche aura une lourde responsabilité: mettre en place une politique culturelle 2.0 qui fera bénéficier la culture de toutes les richesses de la révolution numérique. Dans cette optique, je propose la création dès 2012 d’un grand ministère de la Culture, de la Communication et du Numérique.
(…) Depuis 2007, le gouvernement comprend un secrétariat d’Etat chargé de la Prospective et du Développement de l’économie numérique. Son rôle est notamment de favoriser le développement de l’économie numérique, elle prépare la politique du gouvernement dans ce domaine, en lien avec les ministres intéressés. Si le secrétariat en charge de l’économie numérique et le ministère de la Culture et de la Communication sont amenés à travailler ensemble –notamment dans le cadre de la numérisation du patrimoine écrit– leurs collaborations restent rares et le secrétariat d’Etat privilégie une logique industrielle, favorable aux intérêts des opérateurs de télécommunication, au détriment d’une promotion de la diversité des contenus. (…)
Développer une offre adaptée à la révolution numérique
La France pourrait ainsi se singulariser et être précurseur en regroupant au sein d’un même portefeuille ministériel la culture, la communication et l’ensemble des questions numériques. Cela constituerait un symbole fort de la volonté d’inciter les opérateurs culturels à développer une offre adaptée à la révolution numérique et d’inviter les opérateurs de télécommunication à ne pas être que des fournisseurs d’accès aux réseaux numériques, mais aussi des acteurs de la promotion de la diversité culturelle, en les soumettant à des obligations en la matière, comme c’est le cas pour les entreprises audiovisuelles.
Ce ministère du XXIe siècle au rôle renforcé et élargi pourrait mieux faire face aux enjeux d’une société transformée par la révolution numérique: soutien à la production de contenus culturels numériques, lancement d’une salle immatérielle pour une diffusion sur internet des spectacles des grandes institutions culturelles, création d’une véritable offre numérique à partir des collections des musées nationaux, accélération de la numérisation des archives, des collections, du patrimoine écrit mais aussi cinématographique, développement de services musicaux en ligne à bas prix, accompagnement de l’essor du livre numérique, soutien aux salles de cinéma dans leur transition numérique…
La France a perdu trop de temps, pétrifiée par la nouvelle donne créée par internet. Le ministère de la Culture, de la Communication et du Numérique que j’appelle de mes vœux permettra de rattraper le temps perdu et, enfin, de nous projeter vers l’avenir, celui qui fait avancer et rêver.
Lire la tribune dans son intégralité: http://www.christophe-girard.fr/
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— Editorial «Parti socialiste Culture 0.0»
— Interview de Christophe Girard
— Interview de Poivre d’Arvor